dimanche 11 avril 2021

L'Australie authentique, avec Beenleigh et Inner Circle

 
Crédits photos (c) Beenleigh Rum
 
Beenleigh est la plus ancienne distillerie fumante d’Australie, en activité depuis 1884. Le rhum en Australie a une histoire plus récente que celui des Caraïbes, puisqu’elle débute en 1823, avec une première distillerie qui importe de la mélasse de colonies anglaises telles que l’Inde.
 
La première plantation de canne à sucre s’établit dans les années 1850 dans la région de Brisbane, et se retrouve rapidement dans le giron de la CSR (Colonial Sugar Refinery), l’entité monopolistique d’État créée en 1855.
 
La première usine sucrière est fondée en 1865 par un certain Bowen, un mauricien émigré dans le Queensland (la colonie de l’est du pays ayant pris son indépendance en 1859). Cette même année, John Davy et Francis Gooding achètent un terrain le long de la rivière Albert, et plantent de la canne sur ce qui deviendra plus tard le site de Beenleigh.

Une grosse usine ouvre en 1868 dans la ville de Mackay, et devient le centre de la production de sucre. Les années 1870/80 voient une prolifération de plantations et de distilleries le long de la côte. Elles sont au nombre de 13 à la fin de cette période.
 
Certaines unités comme la Ageston Distillery utilisent des alambics en bois et en cuivre, comme on en trouve encore au Guyana. À cette époque les coupeurs de canne sont constitués d’une main d’œuvre exploitée et même forcée, dans des conditions proches de l’esclavage. Le rhum australien commence à être exporté en Grande-Bretagne et en France, et obtient ainsi des récompenses dans les expositions coloniales.
 
Dans les années 1880, la chute du prix du sucre met de nombreuses usines en difficulté. La tendance est donc de plus en plus aux distilleries, qui deviennent un moyen privilégié de valoriser les plantations de canne.

La naissance de Beenleigh, une histoire de pirates des rivières

 
Le transport de la canne vers les usines centrales n’est pas toujours facile pour les planteurs. Un petit malin a donc embarqué tout le nécessaire de sucrerie et de distillerie sur un bateau, et arpente la rivière de plantation en plantation. Il presse la canne, cuit son jus, fabrique du sucre, puis distille la mélasse.
Cela représente un débouché très intéressant pour les petits planteurs, sauf que tout cela échappe à la CSR, qui somme aux autorités de sévir. Le distillateur ambulant est donc déchu de sa licence, et finit par revendre son pot-still en bois (« Vat-Still ») à John Davy et Francis Gooding en 1884. La distillerie Beenleigh était née. Les premiers distillateurs de la maison avaient pour la plupart travaillé pour des plantations du Guyana, et étaient donc tout à fait familiers des alambics en bois.
 
(c) https://boatgoldcoast.com.au
 
En 1915, la sucrerie de Beenleigh est séparée de la distillerie, et cette dernière est rachetée en 1917 par Thomas Brown and Sons Ltd. Ils apportent de nombreux changements dès 1922, avec 8 nouvelles cuves de fermentation en pin en plus des 4 existantes, une transformation des pot-stills en bois en alambics 100 % cuivre, et le raccordement du chemin de fer pour acheminer la mélasse depuis le nord.
 
En 1936, Beenleigh dispose d’équipement complet, avec des quais de chargement, sa propre centrale énergétique, ainsi que sa propre tonnellerie. Elle devient ainsi entièrement opérationnelle et autonome. Le fleuron de la distillerie est le « Genuine Pot Still Beenleigh Rum », dont la réputation lui vaut même d’être choisi par la Navy Britannique pour entrer dans son fameux assemblage.
 
 
Plus tard, la demande diminue et la distillerie connaît des difficultés financières qui la poussent à arrêter sa production en 1969. Elle est cependant rachetée en 1972 et reprend rapidement le travail.
 
La famille Moran est aux commandes en 1980, et abandonne les vieilles cuves de fermentation en bois, au profit de cuves inox. À cette époque, c’est désormais le « Charcoal Mellow Beenleigh Rum » qui est en vogue. C’est un rhum de double distillation qui est considérablement lissé par une filtration au charbon de chêne américain, dans la tendance des light rums des années 1970.
 
Dans les années 1980 les pot-stills fonctionnent à peine, alors que les colonnes sont constamment améliorées et tournent à plein régime. La dernière reprise en date remonte à 2012, par le groupe Bickfords Australia.
 

La production des rhums de Beenleigh

 
La distillerie Beenleigh se trouve toujours aujourd’hui au bord de la rivière Albert, malgré les nombreuses inondations qu’elle a dû subir tout au long de son existence, en témoignent les traces encore visibles sur les colonnes de distillation.
 
 
Elle utilise uniquement de la mélasse locale issue du Queensland, et prépare un moût à l’aide de l’eau de pluie récupérée sur le site. Autrefois, la fermentation s’effectuait à l’aide de levures indigènes Saccharomyces Pombe, qui permettaient des fermentations lentes, longues, à l’origine de rhums typés high esters. Le responsable de la production actuel, Steve Magarry, aimerait revenir à ces méthodes, mais à l’heure actuelle c’est une culture locale de Saccharomyces Cerevisiae (plus standard) qui est à l’œuvre.
 
La distillerie a également comme projet de revenir à de plus en plus de rhums de pot-still, comme ceux de la marque Inner Circle autrefois détenue par la CSR (Colonial Sugar Refinery). Ces rhums étaient d’ailleurs en outre issus de fermentations à 100 % effectuées par des levures Pombe.
 

L’autre marque distillée chez Beenleigh : Inner Circle

 
Les origines de la marque Inner Circle se retrouvent en 1950 à la Pyrmont Distillery. À cette époque, la production y est relativement faible, et le rhum de la maison est uniquement consommé dans un petit cercle de privilégiés, intimes des dirigeants de la distillerie. Puis ces derniers se décident enfin à le rendre plus largement accessible tout en soulignant son côté exclusif. La marque Inner Circle (« cercle restreint », « entourage proche »), est donc née en 1968, et sera commercialisée jusqu’en 1986. Cette année là, la CSR vend son activité rhum à Bundaberg Distilling Company et ne se concentre plus que sur le sucre.
 
 
En 2000, un homme d’affaires se rapproche de Malcolm Campbell, l’ancien distillateur du Inner Circle. Ensemble, ils décident de relancer la marque et se mettent en quête de rhums dont le profil se rapproche le plus de l’original. C’est à la South Pacific Distillery, aux Fidji, qu’ils trouvent leur bonheur. Le rhum Inner Circle est donc désormais distillé aux îles Fidji et embouteillé par Beenleigh, en Australie.
 
En 2005, la production du Inner Circle revient en Australie, et tout est distillé en pot-still sur le site de Beenleigh.
 

Les rhums Beenleigh

 
La distillerie Beenleigh dispose pour sa gamme classique d’un pot-still et d’une triple colonne. Le moût fait un premier passage en colonne, avant d’être envoyé dans un alambic de 15 000 litres pour une deuxième distillation qui dure 12 heures.
 
 
Les vieillissements s’effectuaient autrefois uniquement en foudres de brandy australien, mais aujourd’hui le chai est aussi constitué de fûts ex-bourbon. Beenleigh a toutefois conservé quelques foudres aujourd’hui âgés de 100, voire 130 ans.
L’enfûtage se fait à un degré assez élevé de 75-78 %. Les rhums blancs sont élevés durant 2 à 3 ans, parfois 5, en foudres (ils doivent reposer ainsi durant au moins 2 ans pour obtenir l’appellation rhum).
 
 
Voici quelques notes de dégustation des rhums que j’ai eu l’occasion de goûter :
 
 
Beenleigh 5 ans – 40 %
Single blended rum
 
Vieilli en foudre de brandy et fût de bourbon
 
 
Au nez, le rhum est plutôt simple mais équilibré, typique d’un certain style anglais marqué par les fruits à coque caramélisés, le chêne blanc et la vanille. Il s’éclaircit rapidement sur les fruits, notamment l’écorce d’orange, et montre une concentration assez plaisante. Le temps renforce une impression de moelleux, avec du chocolat, du pain grillé, du bois tendre. Les fruits à coque caramélisés restent bien présents et gourmands.
 
La bouche surprend par un toucher très rond, emmené par des fruits matures et gorgés de sucre qui développent une chaleur assez lumineuse, très confortable. Le chêne brûlé et caramélisé apporte de la profondeur et de l’épaisseur, avec des saveurs de cacao et de noisette.
 
La finale renchérit en gourmandise, et nous laisse une impression de rhum plutôt sucré, relevé d’écorce d’orange.
 
Un style classique dirigé par le fût de bourbon, plutôt simple mais assez concentré, avec une touche d’orange très british.
 
 
Inner Circle Navy Strength – 57,2 %
Pure single rum
 
Vieilli 5 ans en fût de bourbon, assemblé avec quelques gouttes de rhum de 10 ans.
 
 
Le nez s’ouvre sur des tanins de fruits rouges et noirs, pris dans un coulis fraise / cassis ou un sorbet framboise. Alors que le rhum prend de l’épaisseur avec un léger repos, les fruits deviennent pâtes de fruits. Leurs sucres se caramélisent peu à peu, et l’on commence donc à apercevoir des notes un peu plus torréfiées, y compris un boisé bien grillé.
 
L’aération permet de projeter des notes très fraîches et amères, proches d’un gin aux arômes marqués d’écorces d’agrumes. La baie de genièvre et la coriandre rejoignent ensuite assez naturellement d’autres épices plus rondes comme la cannelle ou la muscade. On revient alors près d’un boisé toujours bien brûlé, mais tout de même assez rond et caramélisé.
 
La bouche est vive, gaie et colorée. Les notes les plus fraîches et amères s’évaporent sur la langue, et laissent place à une belle texture enrobante, ainsi qu’à une touche de sucre de canne cuit. Dans un milieu de bouche assez gourmand s’épanouissent quelques fruits exotiques sucrés à la chair veloutée, comme la mangue, puis un coulis de caramel encore chaud et bien collant.
 
La finale est un peu plus sèche et torréfiée, avec des notes surprenantes de céréales qui évoquent typiquement le whisky.
 
Une identité intéressante pour ce rhum, avec des notes de fruits rouges qui pourraient rappeler celles d’un Savanna HERR dont on aurait versé simplement quelques gouttes, et une jolie fraîcheur épicée. Tout ceci est contenu dans un boisé typiquement bourbon et bien torréfié.
 
Inner Circle Cask Strength – 75,9 %
Pure single rum
 
Brut de fût - Vieilli 5 ans en fût de bourbon, assemblé avec quelques gouttes de rhum de 10 ans.
 
 
Au nez, on trouve un rhum plutôt rond, doucement épicé, avec une jolie vanille qui précède un boisé blanc et moelleux. Ce dernier prend ensuite un air un peu plus végétal, plus frais, introduisant alors des fruits rouges délicats. Leur union avec la vanille nous dirige vers un marshmallow bien tendre, tandis que les notes végétales se font plus réglissées.
 
Avec un peu d’air, on rejoint davantage le profil du Navy Strength, avec un caractère fruité presque bonbon, tournant autour de fruits rouges et noirs à la peau charnue. L’équilibre se fait ensuite entre les fruits et un joli boisé ciré et épicé ; on apprécie à ce moment ce nez juste, simplement présent.
 
En bouche, la puissance est tout à fait raisonnable pour peu que l’on prenne quelques précautions. On est alors récompensé par un rhum très ample, qui offre une sensation de fruits à coques ardents et fumants, enrobés d’une mélasse parsemée de cristaux de sel. Celle-ci se fond en caramel doux, en sucre de canne et en tabac vanillé, puis le rhum se dilue et s’évanouit en fruits rouges au sirop, pâles et délicats.
 
La finale est plus astringente, avec des noix qui accrochent un peu le palais mais relâchent vite leur étreinte.
 
Une version brut de fût qui retient davantage d’arômes du vieillissement, mais qui reste ponctuée de notes de fruits rouges. J’ai finalement préféré ce côté plus équilibré, d’autant que le degré élevé est plus au service de l’amplitude que de la puissance.
 
L’Esprit Rhum - Beenleigh 2013 – 2018 – 78,1 %
Single blended rum
 
Brut de fût – 2 ans en foudre de brandy + 3 ans en fût de bourbon (donc 3 ans d’âge officiel, puisque seul le vieillissement en fût est comptabilisé)
 
Le nez, immédiatement disponible malgré le degré affiché, offre un joli équilibre entre les épices douces et les fruits à coque. La vanille caresse ainsi la noix grillée, et tous deux se roulent dans un caramel bien cuit, à la limite de la mélasse. Quelques notes plus légères ressortent ci et là, florales et fruitées, avec de la rose, de la violette, et des agrumes sucrés.
 
L’aération débarrasse définitivement le rhum de toute perturbation de l’alcool. Il se concentre donc sur son profil très équilibré, sur le tabac, le bois blanc, la vanille et les fruits à coque.
 
La bouche surprend par son attaque très fruitée, sur le fruit de la passion. On retrouve rapidement un boisé bien franc, puis on revient sur une salade de fruits au sirop toujours plus intrigante, et ma fois assez délicieuse. Le style anglais (façon Barbade) aperçu au nez se met en place : tabac, boisé blanc et tendre, vanille, fruits à coque caramélisés. Mais la fameuse salade de fruits reste toujours à l’esprit, bien que peu à peu concentrée et séchée sur le bois.
 
La finale conserve une peau d’orange encore fraîche et juteuse, avec un peu de cacao et de vanille.

On retrouve ici la trame du 5 ans officiel, avec beaucoup plus de concentration et d’expression bien entendu, et des fruits vraiment savoureux.
 
L’Esprit Rhum - Beenleigh 2014-2020 - 78,3 % 
Single blended rum
 
Brut de fût – Vieilli en fût de bourbon
 
 
Le nez étonne d’abord par son caractère fruité, qui penche fortement vers le bubblegum à la fraise ou à la cerise. Le bois est léger, et surtout bien vanillé, il emmène avec lui des notes presque lactées et sucrées, comme un lait de coco bien frais.
 
Avec un peu d’air, le boisé vanillé tente de se faire une place au soleil, mais il ne lutte pas longtemps contre cette ambiance gaiement fruitée et acidulée. La pomme d’amour et le sucre d’orge sont de la partie, et ne comptent pas laisser leur place.
 
La bouche est très puissante, et le rhum s’empare du palais sans lui laisser aucune chance. Il agrippe les papilles d’un boisé mordant, ferme, mais pas brûlant. Puis les notes fruitées se mettent naturellement en place, avec un côté funky et corsé que l’on n’avait pas vu venir. Les fruits rouges et noirs n’ont plus rien d’un bubblegum, ils sont là et entièrement là, de leur chair sucrée à leur peau tannique, en passant par leurs pépins acidulés.
 
La finale laisse un petit bois verni nettoyer la place, et s’éloigner gentiment sur fond de vanille et de pain grillé. 
 
Encore un profil singulier, certes sur une base de chêne américain, mais avec un côté bubblegum aux fruits rouges et un cœur finalement assez léger.
 
Ferroni - Brut De Fut Australie 2013 - 60,4 %
Pure single rum
 
Brut de fût – Vieilli en fût de bourbon pendant 3 ans en Australie + 3 ans en France en fût de Muscat Beaumes-de-Venise.
 
 
Le nez est relativement léger dans un premier temps, avec des notes acidulées et fleuries, un peu éthérées. Voici un rhum assez gai, dont on ne soupçonnerait pas le degré. Une ronde de fruits rouges et de grains de grenade tourbillonne autour d’un petit boisé caramélisé.
 
L’aération nous invite à nous tourner davantage vers le fût. On approche alors un chêne au grain épais, fourni, qui dévoile des notes de caramel, de céréales grillées, de pain toasté et d’épices roussies. L’ensemble est passé sous un filet de mélasse mâtinée de liqueur de vanille, pour ne pas oublier toute la gourmandise qui émane de tout cela.
 
La bouche est intense, mais semble à la fois sucrée et acidulée, avec un esprit pop et bubblegum dans les premiers instants. Cela cohabite sans trancher avec un versant plus torréfié, porté par le café, la mélasse, les épices rondes et le caramel. Le rhum devient à l’image de sa robe, sombre et gourmand, brun et dense.
 
La finale continue de laisser s’exprimer ce drôle de couple grenadine / café. 
 
Un équilibre bien trouvé entre un côté torréfié et un caractère vraiment rond. Les notes de fruits rouges sont plus moelleuses que sur les autres rhums, et se rapprochent alors de la grenadine, mais tout ceci est encadré par des accents bien grillés.
 
Cane Island - Single Estate Australia - 4 ans - 43 % 
Pure single rum 
 
Vieilli en fûts de bourbon
 
 
Le nez est d’abord dominé par un fruité très doux, un peu acidulé, presque citronné. Quelques fruits rouges sucrés nous amènent vers une sorte de grenadine à l’eau de rose. Peu à peu, un boisé encore un peu vert se déploie, avec quelques accents végétaux.
 
L’aération confirme le fruité gourmand de ce rhum, avec un côté confit qui prend maintenant le dessus. Le végétal est velouté, très doux, et le bois en copeaux est comme enrobé de miel.
 
La bouche est très douce, avec une texture fluide et légère. Le rhum est malgré tout assez complexe, et passe par plusieurs phases assez déroutantes. On croise d’abord quelques fruits rouges bien dodus qui prennent la forme de guimauves, avant de se retrouver tout à fait fondues par un poivre décidé. Le bois prend le relais. Légèrement torréfié, il est comme enrobé d’une patine sucrée et végétale.
 
La finale revient passer un coup de vernis supplémentaire, au goût de grenadine cette fois. 
 
Encore et toujours ces notes de fruits rouges aux accents un peu bonbon. La dilution importante (le brut de fût oscille plutôt autour des 70-75%) apporte forcément beaucoup de rondeur, mais on reconnaît ici le style Inner Circle. 
 
Crédits photos bouteilles : Rhum Attitude - Sippify

Les fruits rouges façon bonbon semblent vraiment être la marque de fabrique du pot-still de la maison, et j’aurais tendance à les préférer lorsqu’ils s’effacent un peu derrière les arômes du fût. En cela, les assemblages pot-colonne ou les vieillissements plus marqués me conviennent davantage.

 
Dernière petite news avant de conclure, avec une cuvée « Flood » de Beenleigh qui devrait arriver dans les jours à venir. Il s’agit d’une distillation de 2017 qui a accidentellement connu une fermentation prolongée de 6 mois (!!!) suite à de fortes inondations qui avaient rendue la distillerie impraticable durant de longues semaines.
 

jeudi 15 octobre 2020

Renaissance Distillery, vive le "Made in Taïwan" !


Crédits photos (c) Renaissance Distillery
 
À Taïwan, la canne à sucre est présente depuis les premiers temps de la dynastie Ming (1368 – 1644). Elle était cependant uniquement utilisée comme produit de bouche, pour son jus qui aussi était parfois fermenté. L’île est aussi connue sous le nom de Formose, depuis que les portugais débarqués en 1542 l’ont surnommée « Ilha Formosa » (belle île).
 
C’est au 17ème siècle que les "choses sérieuses" commencent, sous la courte domination néerlandaise qui dure de 1624 à 1662. Les Hollandais construisent une véritable industrie sucrière et vendent massivement à l’archipel voisin, le Japon.
 
Après 1662 arrive la gouvernance de Koxinga, un chef militaire qui prend le pouvoir durant l’ère de la dynastie Qing (1644 – 1912). La production de sucre est plus que jamais à l’ordre du jour, et occupe une grande partie de l’économie. Son succès attire d’ailleurs beaucoup de chinois du continent. La croissance de l’industrie sucrière continue ainsi de croître jusqu’à atteindre un pic à la moitié du 19ème siècle. Avec cet essor du sucre est née une boisson populaire, un alcool de canne que l’on appelle « mélasse ».
 
La colonisation japonaise arrive en 1895. Les occupants s’approprient tout l’outil de production, tout en améliorant considérablement les méthodes et la qualité, à partir de 1922. D’une douzaine de sucreries, on passe à 42 en quelques années, avec des infrastructures solides, dont un chemin de fer dédié d’environ 3000km. Le rhum n’est pas la priorité, la mélasse est surtout distillée pour produire de l’éthanol à des fins industrielles et militaires.
 
 
Les trois seules marques de rhum présentes disparaissent lors de la guerre du Pacifique. La mélasse se fait plus rare car la plupart des sucreries disparaissent sous les bombes, et le peu qui reste est utilisé à 100 % pour l’éthanol.
 
À la fin de la guerre, en 1945, les japonais quittent Taïwan. L’État reprend le contrôle de la production de sucre en 1947, et le rhum commence à être distribué de nouveau. De nouvelles variétés de canne sont introduites en 1952, et tous les efforts permettent de retrouver le niveau de production d’avant-guerre. Le sucre reprend alors sa place dans l’économie, et devient le premier produit exporté dans les années 50 et 60. En 1975, les exportations battent des records, mais la brutale chute des prix qui intervient l’année suivante entraîne la fermeture de la plupart des usines.
 
 
Une poignée de planteurs continue de cultiver la canne, mais une partie d’entre-eux jette l’éponge en 2000 lorsque l’OMC leur conseille d’adopter des cultures plus rentables.
 
Jusqu’en 2002, la mélasse est transformée en alcool pour élaborer différents spiritueux, mais pas forcément du rhum. On commence ensuite à trouver un peu de rhum, mais celui-ci est plutôt destiné aux desserts et aux cocktails bon marché. La mélasse locale n’étant pas suffisante, elle cohabite avec une mélasse importée de Thaïlande. Au début des années 2010, les autorités prennent la mesure du potentiel de Taïwan en termes de rhum, mais le secteur peine vraiment à prendre son envol. La piètre qualité des Koxinga Gold Rum ou Wonderland rum en est un bon exemple.
 
Aujourd’hui, l’archipel compte 3 sucreries, et toujours 200km des fameux « sugar railways ». La grande industrie sucrière est pourtant toujours dans les mémoires, en témoignent les diverses usines transformées en lieux touristiques.
Le potentiel n’a pourtant pas disparu, et c’est ce qu’a compris le couple franco-taïwanais à l’origine de la Renaissance Distillery.
 

Les débuts de la Renaissance Distillery

 

 
Olivier Caen et Linya Chiou ont respectivement 48 et 46 ans. Linya a fait ses études au Canada, puis a intégré la grande école de commerce ESCP. Olivier a étudié la communication, et s’est intéressé très tôt au vin, à l’âge de 19 ans.
 
Olivier raconte : « Après avoir lu la plupart des livres disponibles j'ai commence à acheter, goûter, collectionner les vins les plus prestigieux, mais qui étaient encore abordables à l’époque. (Dans les premiers crus du Médoc par exemple.) » 
 
Sa première influence est donc le vin. Le couple a ensuite travaillé dans l'industrie automobile (Olivier chez General Motors et Linya chez Renault.), ce qui, aussi surprenant que cela puisse paraitre, a constitué une seconde influence. Vous le comprendrez en appréciant un peu plus bas dans l’article le côté exhaustif et technique des contre-étiquettes de leurs rhums, directement inspirées de cet univers.
 
Olivier poursuit : « J'ai continué, en tant qu'amateur, à acheter des grands vins. Mais plus les prix montaient, plus j'avais besoin d'un univers authentique, loin de tout marketing ou d’étiquette prestigieuse. J'ai donc commencé à acquérir et goûter des vins anciens... disons de plus de 100 ans en moyenne. Pas ou peu d’étiquettes sur les bouteilles, traçage difficile, mais des merveilles en dégustation, des vins loin des sentiers battus et des modes actuelles, des vins merveilleux à boire : Madère 1863, Porto Tawny, Colheita 1937, très vieux Rivesaltes... Du réel plaisir, une grande longueur, beaucoup de puissance, une complexité hors norme, des vins qui même une fois vides ont une âme et restent encore des semaines dans votre verre vide et sec. Ce sont des vins qui ne mentent pas car ils sont d'une immense complexité et semblent construits pour l'éternité. »
 
Voici donc une troisième influence : le manque d'informations sur les vins anciens.
 
« Arrivés à Taïwan, nous avons monté en 2006 une société d'importations de vins et alcools (Armagnac, Whiskies, Bordeaux…). Nous appartenons à plusieurs confréries du vin en France. Nous avons goûté des "Single Casks" de crus classés magnifiques, mais tout partait en assemblage. C'est très frustrant de voir des vins merveilleux, aussi bien que des Armagnacs sublimes, partir pour remonter le niveau global d'une marque, alors que bus purs certains vins et alcools sont hors normes. »
 
C’est de là que vient la quatrième influence des rhums de la distillerie : la concentration et la complexité. Ces critères sont ceux « des meilleurs vins et alcools, car ils sont tellement plus faciles à aborder en dégustation qu'un produit d’entrée de gamme. »
 
 
« Taïwan produit de la canne a sucre depuis des décennies, le climat est idéal pour cela mais personne jusqu’à ce jour de septembre 2013 ne produisait de rhum (digne de ce nom, ndlr). Je me suis dit tout simplement : puisque personne ne le fait, je vais le faire, car j'aimerais connaître le goût du rhum de Taïwan. J'ai donc commencé à apprendre tout seul à distiller, sur un alambic de 500 litres. Mais j'avais un modèle de travail à suivre : Jean Luc Thunevin, notre fournisseur en vins. Il a été DJ, banquier, barman puis vigneron. Il a réussi à hisser son vin le Château de Valandraud parmi les plus grands de St Emilion, et cela il l'a fait avec son épouse, en commençant avec presque rien, mais avec une grande rigueur juste pour le plaisir de voir le résultat.
 

Avec un climat tropical, un terroir, le cycle des saisons et plus de 400 sortes de canne indigène, nous avons nous aussi de bonnes bases à exploiter.

C'est dans cet état d'esprit que j'ai commencé : si JL Thunevin l'a fait je peux peut-être le faire aussi. Je voulais mettre mon empreinte sur ma production et plus seulement me contenter de distribuer les produits faits par d'autres.
 

Et puis surtout, Taïwan est un pays qui ne produit pas de rhum mais qui a toutes les cartes pour le faire, un peu comme si la France ne produisait pas de vin.

De 2013 a 2016, j'ai alors commencé à distiller sans licence, le week-end à la campagne, surtout la nuit au clair de lune, car la semaine je devais travailler. Ce fut une grande période de test de production. Nous importions alors les barriques usagées de nos vignerons. J'ai tout essayé : base de sucre de canne, base de mélasse et base de canne à sucre fraîche que nous cultivons nous-même. Jusqu'au jour ou Linya a goûté le rhum et a dit : je crois que nous pouvons monter une distillerie et commencer à investir. Elle venait de comparer le rhum avec les whiskies Single Cask que nous importions d’Écosse. Ce fut un grand soulagement d’enfin pouvoir travailler au grand jour, d'autant que nous n'avions pas encore vendu une seule goutte de rhum. »
 
La distillerie a ainsi été officiellement créée en 2017, avec la philosophie d’une petite structure qui prête attention au moindre détail. La production annuelle est d’environ 15000 litres à 65 %, pur jus et mélasse confondus, et s’étend sur 280 jours de distillation. Ce rendement donne lieu à l’équivalent deux fûts par semaine en moyenne. Renaissance ne propose pas de rhum blanc pour l’instant.
 

Le terroir de la distillerie

 
La démarche est évidemment écoresponsable, avec une agriculture qui se rapproche de la biodynamie, une eau de refroidissement des alambics qui est recyclée, tout comme les vinasses qui sont réintroduites dans les fermentations ou épandues comme engrais.
 
 
La plantation de 0,7 hectare se trouve au sud de Taïwan, à Qishan, dans la région de Kaohsiung, et a vu le jour en 2013. Le rhum Renaissance est un rhum Single Estate, ce qui signifie que toutes les opérations, de la culture de la canne à l’embouteillage, sont faites sur le site.
 
La canne à sucre pousse sur un terroir où elle a toujours été cultivée, que ce soit avant ou après l’ère japonaise. Un effeuillage est nécessaire afin de faciliter l’accès de la canne aux coupeurs, et si ailleurs on a encore souvent recours au feu, ici il se fait manuellement. Le désherbage est lui-aussi mécanique. De manière plus générale, la plantation, la récolte et le transport sont uniquement réalisés à la main.
 

La culture est mono-variétale, avec une souche indigène et endémique qui porte le code F (comme Formose). Cette variété compte 400 espèces, et la F10 est celle qui a été retenue ici. Cette canne est appréciée pour sa teneur en sucre, mais aussi en canne de bouche. C'est une canne blanche, résistante naturellement, car le sol cultivé n'a reçu aucun intrant pendants des années. Aucun pesticide, herbicide, fongicide n’est utilisé.
 

Les fermentations

 
Le jus qui est mis en fermentation provient uniquement de la première presse, sans adjonction d’eau. Cette fermentation dure 15 à 21 jours selon brix. Les levures sont sélectionnées pour résister à de hautes températures, et sont taillées pour des fermentations longues.
 
La thermorégulation naturelle des cuves est assurée par le fait que la fermentation se déroule par micro-batches de 280 litres. Il n’y a pas de cuve mère de propagation des levures, donc la fermentation est unique à chaque cuve.
Deux types de levures entrent en jeu : la EDV 493 est une souche bien connue en rhumerie. Son dosage est très léger, simplement afin de démarrer la fermentation le plus rapidement possible. 
La coupe des cannes et le pressage sont faits à la main avec les levures indigènes présentes sur la canne, qui n’est ni épluchée, ni lavée.
 
Pour la mélasse (locale), il faut compter 10 jours minimum. Elle est complémentée de dunder (vinasses) et d’eau calcaire filtrée, dans laquelle on prend soin de conserver le calcium. Le calcium (le calcaire) aide à abaisser le pH et à précipiter les protéines durant l'ébullition. Il augmente la stabilité du moût et est un nutriment important pour la levure. Pour la mélasse, et uniquement pour elle, une deuxième fermentation appelée malolactique intervient dans un second temps. Elle permet plus tard d’obtenir des eaux-de-vie plus rondes et moins acides.
 

La distillerie dispose de deux alambics

 
Le premier est en inox et a été fabriqué à Taïwan. Il s’agit d’un pot-still de 500 litres à « col court incliné » (inclined short neck).
Un col de cygne incliné vers le bas permet d’obtenir moins de reflux. D’un point de vue purement technique, si l’on veut obtenir un maximum d’alcool épuré, on cherche à avoir un maximum de reflux. Mais dans ce cas, au moins il y a de reflux, au plus les molécules les plus lourdes se retrouveront dans le distillat. On y retrouvera donc des arômes plus corsés.
Un col court permet que l'on y retrouve moins de variations de température. Ainsi, les composés les plus lourds n’ont pas l’occasion de se condenser dans le col de cygne et de retourner dans l’alambic, et vont directement dans le collecteur. C’est donc le même principe qui s’applique : moins de reflux = plus d’arômes, et un rhum plus crémeux, plus huileux.
 
 
Depuis 2017, la distillerie est aussi équipée d’un alambic charentais en cuivre de 1200 litres. Il est chauffé à feu nu, à l’ancienne, ce qui nécessite plus d’attention. Mais les variations de chaleur, le fait que la chauffe ne soit pas toujours uniforme, donnent des distillats plus « personnels », avec notamment des arômes empyreumatiques.
 
La première distillation se fait avec des lies fraîches, ou parfois avec ce qu’Olivier Caen appelle « formosa fermentum » (aged lees process) : à la fin de la fermentation, les levures mortes tombent au fond des cuves. On les conserve, on les stocke, pour former une sorte de réacteur biologique continu et vivant, un peu comme dans les muck pits jamaïcains. Cela amène davantage de complexité, avec des arômes pâtissiers. Cela amène aussi des esters qui vont se développer et s’oxyder avec le bois durant le vieillissement, favorisant un joli rancio.
 
Une longue préchauffe est appliquée avant la deuxième distillation, pour préparer une meilleure séparation des composés. La distillation est longue, et donc bien complète, sans surchauffe, pour plus d’élégance.
Le cœur de chauffe est contrôlé techniquement via le taux d’alcool, mais aussi de manière organoleptique, car il y a des variations selon les cuvées. Le but ultime est de faire des distillats avec des composés bien choisis, taillés pour le vieillissement tropical.
Pour cela, une attention particulière est portée aux « rum oils » (des composés comme les damascones, des huiles essentielles présentes en particulier dans les rhums high esters jamaïcains et les grand arômes, et produits notamment par les levures indigènes.
 

Un chai riche et varié

 
Le vieillissement s’effectue exclusivement en fûts de chêne. On a recours a des barriques neuves et anciennes de différents pays tels que la France, l'Espagne, le Japon, la Russie et les États-Unis. Voici une liste actualisée des fûts disponibles à l'heure actuelle :
 
  • 30 "ex-pourriture noble" française de premier remplissage. La pourriture noble est un champignon qui concentre le sucre dans le raisin, et qui donne des vins avec des sucres résiduels comme les sauternes, les jurançon, ou les coteaux-du-layon.
  • 10 "ex-pourriture noble" française de deuxième remplissage.
  • 25 "ex-pourriture noble" française de premier remplissage « rajeunis », auxquels on a appliqué un procédé « STC » (Shaving, Toasting, Char = rasage ou épluchage, chauffe, bousinage).
  • 17 ex-sherry butts d’oloroso issus de solera, premier remplissage.

  • 11 fûts neufs de chêne japonais Mizunara de 450 litres, issus d’une seule forêt d’Hokkaido. Ces fûts sont célèbres et appréciés dans le whisky japonais. Ils contiennent des sucres naturels bien spécifiques, développant des arômes prononcés de coco et d’encens.
  • 14 fûts neufs du Limousin de 350 litres.
  • 76 fûts neufs de chêne américain de 200 litres.
  • 50 ex-bourbon de chez Buffalo Trace de 200 litres, premier remplissage (en cours).
 
 
Il n’y a pas de réduction avant enfûtage, le rhum passe directement de l’alambic au fût, à 65 % en moyenne.
À Taïwan, seules les saisons sèches et humides se succèdent, avec des différences importantes de température entre le matin et le soir, ce qui entraîne une part des anges élevée. Les températures annuelles, quant-à elles, oscillent entre 9 et 35°C. L’humidité dans le chai varie de 30 à 95 %, ce qui est parfait pour obtenir du rancio et de la rondeur.
 
La distillerie ne pratique pas l’ouillage, car c’est vraiment la concentration qui est recherchée. Aucun ajout n’est effectué, que ce soit de colorant, de sucre ou autre. Les rhums sont embouteillés bruts de fût, sans filtration à froid.
Si l’étiquette est sobre et minimaliste, la contre-étiquette montre une transparence totale, plutôt étonnante et impressionnante.
 
La bouteille noire rappelle évidemment celles de Velier, Samaroli, Wild Parrot, ou même Teeling. C’est une réplique d’une bouteille de vin fabriquée il y a une centaine d’années, reproduite par un fabricant italien.
 
 

Single Cask 2016 - Fût de sherry - 60%

Le sample que j’ai eu la chance de déguster est issu du fût n°16101. C’est un rhum qui a été distillé en 2016 et qui est encore en vieillissement à l’heure actuelle (la mise en bouteille est prévue pour début 2021). Ce rhum de 4 ans titre à 60 %.
Il s’agit d’un rhum de pur jus de canne F10, fermenté durant 15 jours avec des levures EDV 493 et des levures sauvages. Il est issu de l’alambic taïwanais.
Il a vieilli dans un ex-fût de sherry oloroso de premier remplissage, d’une capacité de 500 litres.
 
 
Je laisse à nouveau la parole à Olivier Caen, le distillateur :
 
« Votre échantillon est issu de cette époque de "pré-distillerie", avec la police qui passe à côté du champ de canne à sucre sans se douter une seule seconde que la canne peut donner autre chose que du sucre ; heureusement pour moi mais malheureusement pour le pays. 

Taïwan devrait être sur la carte des rhums depuis maintenant plus de 60 ans. 

Nous avons aujourd'hui un grand retard à combler, c'est pour cela que nous mettons entièrement la production en fût.
 
Cette barrique N°16101 a nécessite au total 222 heures de distillation et de peur (toujours la police). Nous n'avons ajouté aucune eau (pressage, fermentation, mise en fût) car j’étais curieux de voir le résultat. Le brix est de 22 pour ce jus de première presse, avec un pH supérieur a 4.7. La mise a été faite brut d'alambic en 2ème distillation à 63 % ABV. La distillation a été réalisée sur lies fines lors de la 1ère distillation. »
 

Passons à la dégustation :


Le nez s’ouvre sur une concentration saisissante de fruits à coque oxydés et gras, enrobés de beurre noisette. Une petite touche de solvant vient éclaircir tout cela, pour ensuite dévoiler une canne verte et sucrée, végétale et veloutée. Le jus de canne se concentre avec un peu de temps. Il se réduit en sucs de fruits mûrs, on pense au raisin et à la mirabelle.

L’aération laisse apparaître une cire d’abeille extrêmement gourmande, dont le miel tient naturellement la main aux fruits suintants de sucre. Ensuite s’installe un registre plus soufré, minéral, entre la pierre à fusil et le bois brûlé. La cire d’abeille domine toujours et équilibre tout cela avec une certaine élégance d’épices douces.

En bouche, l’attaque est ronde mais concentrée, et les notes soufrées sont les premières à apparaître. Un éclair de canne ronde et confite se présente ensuite et continue d’enrober le palais. Le bois prend la parole, il est sombre, profond, mais suffisamment fondu et tendre pour nous suggérer un côté cacao. Le vieux chêne toasté porte des notes de noix grillées, de caramel, d’amandes, de nougatine.

La finale est ronde, et le rhum a rassemblé tous ses arômes dans un tabac blond bien gras. Quelques notes de vesou et de zeste de citron vert subsistent dans la longueur.

La complexité et la concentration de ce rhum sont remarquables, d’autant plus compte-tenu de son relatif jeune âge. On comprend que l’expérience en vin du distillateur l’a guidé dans le choix des meilleurs fûts et dans l’élaboration de ce joli rancio.

Notons que la canne n’est pas vraiment au centre des débats, ce qui pourrait en décevoir certains. Pour ma part, je me suis laissé bercer par un nez aussi élégant que gourmand, et par une bouche très ronde. Je regrette peut-être simplement un milieu/fin de bouche qui manque un peu du mordant que j’attendrais d’un rhum brut de fût.

Au final je dois dire que j’ai été impressionné par la qualité de ce rhum, par sa concentration, et par son extrême "buvabilité" malgré le côté très exigeant de sa conception. C'est tout simplement un grand rhum, capable de réconcilier les jeunes palais fragiles et les plus aguerris, et surtout un rhum qui appelle à se resservir assez rapidement, ce qui est plutôt bon signe l'air de rien !
 
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Voici quelques précisions d’Olivier : « les notes oxydatives viennent très probablement du fût très ancien d’Oloroso. Ces fûts, de par leur taille, sont conçus pour des maturations longues. Comme vous l'avez deviné à la dégustation, j'aime faire des rhums concentrés, mais qui restent "faciles" d'approche. C'est un exercice de funambule pour trouver cet équilibre. Ces rhums demandent beaucoup de temps en barrique, mais également dans votre verre. Pour ma part j'aime déguster les rhums côte a côte car parfois ils s'entraident entre eux et cela permet de leur découvrir de nouvelles dimensions. »
 
Hâte de découvrir ce que cette distillerie nous réserve, et curieux de déguster le travail réalisé avec la mélasse, en espérant avoir accès à quelques uns de ces embouteillages à l'avenir ! En attendant, Linya et Olivier continuent de s'amuser et d'explorer :
 
« Nous avons de nombreux projets assez fous en cours, dont en début d’année prochaine la deuxième édition de notre "Mizunara Alligator Finish" qui promet d'avoir du mordant en Single Cask. C'est une base de mélasse de Taïwan qui nécessite une approche beaucoup plus technique que pour le jus de canne si l'on souhaite exploiter son potentiel d'élégance et/ou de puissance. »
 
« Nous sommes en train d’étudier la mise en place d'une plateforme de distribution pour l'Europe qui sera basée aux Pays-Bas. Nous essayons de vendre le moins possible pour l'instant afin de donner le plus de temps au rhum. Nos plus vieux fûts datent de 2014 et sont toujours en maturation. Tous nos bénéfices sont réinvestis dans la distillerie. Une cinquantaine de bons fûts importes d'Europe c'est 30 000 euros. Pour les fûts neufs de Mizunara Japonais "standards" c'est beaucoup plus.
 
Nous importons des Mizunara neufs choisis sur mesure (limités à un seul et unique exemplaire pour certains, 3 max pour d'autres). Là c'est beaucoup plus cher que les Mizunara standards mais ce n'est pas l'unique problème : le plus difficile est de faire accepter le tonnelier japonais. J'ai mis 3 jours au Japon la dernière fois, avant réussir a convaincre mon tonnelier. »

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EDIT du 13 janvier 2024

 

J’ai depuis eu la chance de pouvoir déguster d’autres rhums de la distillerie, dont certains sont désormais distribués en Europe et en Grande-Bretagne. Je vous laisse découvrir ces quelques notes de dégustation (spoiler : c’est toujours aussi bon !!) :

19092 Pineau Blanc 67%

Le premier nez est celui d’un grand arôme frais, fruité et floral, avec une belle vivacité. Au lieu des notes organiques et crémeuses propres au style, on trouve un profil acidulé, un bonbon complexe de mélasse et de canne.

Avec un peu d’aération, les tanins de fruits rouges et noirs pris dans le vernis amènent davantage d’accroche. On trouve alors une belle gourmandise de noyau, de griotte, de vieille eau-de-vie de cerise. Les mûres et le sorbet de fruits rouges laissent peu à peu la place à des fruits confits patinés de résine, qui viennent se poser comme un baume sur un boisé tout à fait apaisé.

En bouche, l’attaque surprend par sa douceur, tant elle est amortie par une jolie vanille cirée. Les fruits rouges et noirs confits prennent le relais, avec une certaine acidité équilibrée par une texture grasse. Ces fruits se séparent peu à peu de leur enveloppe huileuse, pour un milieu de bouche plus astringent. On retrouve alors les fondamentaux du grand arôme, avec des fruits exotiques extrêmement mûrs soulignés par quelques gouttes de saumure d’olive.

La finale est très longue, légèrement brûlée, avec des tanins fruités de chêne français, du cuir, de l’olive et des fruits exotiques fermentés. Dans la longueur, on finit par profiter d’une pomme aux accents de vieux cidre.

18256 American Alligator 65%

Le nez se pose sur un rhum moelleux, tendre, doucement épicé, équilibré par la fraîcheur des tanins du bois et d’un côté végétal presque résineux. Ces tanins se fondent rapidement et se teintent de baies de cassis, puis de raisins, pour enfin nous donner une impression plus huileuse et pâtissière.

L’aération évacue définitivement les notes les plus tanniques, pour laisser place à un boisé fondu, gorgé d’amande verte, d’amande amère, et ciré à l’encaustique. Une certaine douceur d’aromates souffle également sur le verre, et l’on pense à une brise parfumée de sauge et de romarin.

La bouche est très douce, avec des aromates veloutés qui caressent le palais. La concentration fruitée semble en quelque sorte assez lointaine, intacte mais plus en retrait, avec un petit creux de texture en milieu de bouche. Les tanins et leur petite acidité reprennent ensuite le flambeau, pour une finale fruitée et oxydée qui nous emmènerait du côté d’une sorte de Calvados tropical (?!).

Dans la longueur, une douceur pâtissière faite de noyaux et d’amande amère s’installe pour un long moment.

18291 Oloroso 65%

Au nez, on a tout de suite affaire à un rhum mature, profond, aux accents de réglisse soulignés par une torréfaction douce. Le bois toasté et les fruits à coque dirigent naturellement la suite, avant que des notes de fruits plus concentrés n’introduisent un registre grand arôme.

Avec un peu de temps et d’air, le rhum gagne une coloration plus sombre et plus profonde, avec des tanins épais de baies rouges et noires. Le café vient appuyer cette atmosphère plus opaque, avec une mélasse elle-aussi bien noire et profondément réglissée.

En bouche, l’attaque est très douce, et démarre sur un café noir un peu sucré. Très rapidement, les céréales toastées prennent la main pour nous emmener à une sorte de réunion de spiritueux où seraient convoqués le whisky, le bourbon et même la tequila, voire le mezcal. En effet, cet assemblage de notes maltées, végétales, fumées, presque tourbées, est saisissant et occupe l’esprit durant un long moment.

C’est en finale que l’on retombe sur nos pattes et que l’on retrouve notre rhum funky, teinté de fruits exotiques très mûrs, de cuir et d’olive en saumure. 

18033 PX 63,5%

Le nez est doux et miellé, avec un boisé serti d’épices douces et une petite pointe d’alcool qui chatouille encore un peu. La fève tonka et les épices pour curry assaisonnent des fruits mûrs tout à fait civilisés, pour un caractère crémeux et pâtissier aux reflets de lait de coco.

L’aération achève complètement la fonte du rhum, qui se présente maintenant avec une belle rondeur et un côté définitivement lacté. Le bois blanc, les fruits à coque gras, le nougat, la vanille, la noix de coco, tout concourt à nous dessiner un petit nuage pâtissier.

La bouche est très ronde et doucement épicée, avec une vanille parfumée qui donne tout de suite le ton. La fève tonka prend ensuite les rennes, et s’étale de manière très savoureuse, pour une entrée en matière à la sensation particulièrement plaisante. Tout continue ensuite de se passer en douceur, avec du tabac blond, du bois tendre, des aromates légers et pâles, du lait d’amande et de coco.

La finale nous offre les saveurs d’un jus de canne cuit doucement et bien rond, avec un umami délicieux. 

18058 Mizunara Alligator 63,5%

Le nez est ample et aromatique, avec un fruité très mûr, tropical, et des notes profondes de fermentation. Mais il se présente aussi sous un jour crémeux, vanillé, avec un air doucement pâtissier. Il nous emmène dans une flânerie exotique et humide, languissante, presque fiévreuse. L’horizon s’assombrit cependant le long de ces instants de songe, et des arômes plus sombres et torréfiés s’installent calmement.

L’aération révèle un rhum huileux et sucré comme un sirop de jus de canne. On découvre alors un profil étonnant, rondement végétal et pâtissier, comme ce que l’on peut parfois retrouver en Guadeloupe. En profondeur, on côtoie des notes animales de cuir, ou encore une sauce soja concentrée, du sirop de batterie ou d’érable.

La bouche est très gourmande et étonne par sa facilité d’accès. Le rhum est rond, concentré et ample, et semble détailler une mélasse tendre, encore très proche du jus de canne. En fondant en bouche, il déploie des saveurs de nougat, d’amande douce, d’orgeat, de canne mûre et confite. Le chêne moelleux prend très naturellement le relais, développant quant-à-lui des notes de tabac blond, d’épices douces, de fruits à coques gras, de caramel au beurre.

La finale est ronde, doucement végétale et confite, avec une légère touche de zeste d’agrume qui lui donne un air surprenant de rhum de purs jus.

19145 Deuxième Cru Classé 64,7%

La concentration qui se dévoile dès les premiers instants signe encore une fois la présence d’un grand rhum. Les tanins en imposent, certes, mais c’est bien leur ampleur et leur richesse qui les sert à cet instant. Ils sont en outre couverts d’une confiture riche et complexe, emplie de pêche, de coing et de baies noires et rouges.

À l’aération, le rhum se débarrasse d’une petite pointe de soufre que l’on n’avait pas entrevue jusqu’ici, et qui ne fait donc que passer brièvement. Pendant ce temps, la confiture s’est concentrée dans la marmite de cuivre, les tanins y ont entièrement fondu, et l’on se retrouve avec un concentré de rhum vieilli que l’on imaginerait presque solide.

La première approche en bouche est également habitée par un fût de vin légèrement soufré, qui laisse place à un bois bien carbonisé sur lequel on aurait appliqué un baume de mélasse et de tapenade d’olives. Autant dire que la concentration, l’intensité et la gourmandise sont au rendez-vous, d’autant que le baume est bientôt remplacé par notre confiture désormais presque brûlée tant elle a réduit les sucs de ses fruits.

La finale est longue, grâce à des tanins qui tutoient la banane verte et qui deviennent peu à peu une huile de pépins de framboise. 

18260 Fino 62%

Le nez nous montre un caractère plutôt « intériorisé », dense mais légèrement sur la réserve. L’on imagine aisément une très vieille eau-de-vie qui retrouve la lumière et qui a besoin de quelques étirements pour s’extraire de sa couverture de rancio et sortir du confort de son vieux fût.

Après un peu de repos et d’aération, l’on découvre un rhum très doux, velouté, dont les angles ont été patiemment arrondis par la maturation. Il ne manque pour autant pas de caractère, avec ses fruits exotiques plus que mûrs et confits, sa crème pâtissière aux raisins imbibés de grand arôme et son lait de sauge.

La bouche est d’abord très typique de la famille des grands arômes, avec une grande envolée de fruits tropicaux très mûrs, si mûrs qu’ils sont tombés au sol et que la fermentation leur confère une vive acidité mêlée de saveurs exotiques irrésistibles. Le fût de chêne apporte quant à lui une vague veloutée qui s’immisce dans notre verger tropical, y accrochant ici et là des notes de noyau, de noix, de tanins de baies noires.

La finale est imprégnée de ces noyaux aux abords grillés, mélassés et légèrement salés.

19064 Amarone 71,1%

Le nez nous fait prendre la mer avec la Navy britannique, entre les Fiji et la Jamaïque. Voici une grosse bombe aromatique au fruit bouillonnant et éclatant, dont les effluves se vaporisent au contact d’un cuivre brûlant. Ce rhum au caractère vrombissant porte aussi quelques nuances huileuses, entre la graisse de moteur et l’essence de noix.

Avec le repos apparaissent des fruits plus frais, moins exotiques, qui nous ramènent dans nos vergers du sud de la France. Les nectarines sont à portée de main, leur chair blanche et juteuse s’enivre de parfums fleuris, avant de rejoindre quelques prunes trop mûres tombées au sol.

En bouche, quelle bombe ! La vie de ce rhum défile sur nos papilles, depuis les feuilles tendres de la canne jusqu’au rancio du vieillissement, en passant par une mélasse lourde et épaisse, par sa fermentation au goût aigre / doux, de plus en plus acide et puissant, puis le contact avec le bois brûlé, ses fibres profondes et tanniques. Quel voyage !

La finale est plus tranquille et gourmande, la tarte aux noix de pécan est servie et accompagnée d’une bonne crème glacée à la vanille et aux fruits confits.

18047 Islay Peated 65,8%

Aucun doute sur le fût qui a abrité ce rhum, car les premiers arômes qui nous parviennent sont typiquement et doucement fumés, végétaux, avec une nuance de cendre ou d’ardoise. L’ambiance écossaise est cependant vite recouverte par une épaisseur chaude et humide, ainsi la fumée continue de courir dans un sous-bois tropical où les mousses sont quelque peu caramélisées.

L’aération libère encore un peu de fumée de tourbe, et cette fois le whisky prend franchement la main. La minéralité de la cendre apporte de la netteté et de la fraîcheur à ce rhum au cœur rond et fondant qui pencherait sans cela volontiers vers le caramel aux épices douces.

L’entrée en bouche est d’une douceur irrésistible, et l’on fond totalement avec le rhum, désarmé que l’on est. La fumée de tourbe et le caramel au beurre à la vanille se sont complètement harmonisés et ne font désormais plus qu’un. Cette douceur prend tout son temps pour traverser le palais, pour notre plus grand plaisir. Quelques fruits à coque toastés se sont aussi invités et ont eu la bonne idée de s’imprégner de fumée tourbée.

En finale, le rhum semblerait presque sucré, tant sa rondeur enrobe les papilles pour les envahir de saveurs réconfortantes.

18102 Cognac 64,4%

Au nez, c’est la concentration de ce rhum qui frappe dans un premier temps. La générosité du distillat, dont on devine le style grand arôme, est absorbée, digérée et magnifiée par un fût de chêne ferme mais exempt de tanins ou d’un trop plein de torréfaction. L’équilibre et la conversation entre ces deux forces sont admirables.

Avec l’aération, le boisé se fait plus imposant, plus volontaire, provoquant une certaine étincelle de fraîcheur épicée. Il introduit quelque chose de plus végétal, qui rappelle parfois les arômes réglissés de la mélasse, mais aussi la concentration d’aromates frais et résineux, comme le romarin. Avec un peu de temps, l’on apprécie une complexité qui ne cesse de se développer, et qui fait affleurer les noyaux des fruits.

La bouche offre bien la concentration annoncée au nez, avec une cohérence et une unité remarquables. Sur le fil, ciselés, se succèdent le chêne grillé, les fruits exotiques très mûrs, les fruits confits, les aromates, la canne, les épices douces, etc, etc, sans relâche. Un léger aspect cuivré teinté de poire, ainsi qu’un boisé si tendre qu’il en devient céréalier, évoquent un instant le whisky, puis les aromates et les plantes résineuses nous ramènent à une mélasse mâtinée de saumure.

La finale est longuement savoureuse, dans un registre vivement pâtissier où les vibrations des noyaux de cerise résonnent sans fin.

18089 Noble Rot STC 64%

Le nez nous transporte sans attendre au milieu d’un chai chargé du genre de vapeurs dont les anges se régalent. Il y règne une certaine humidité, dans laquelle les arômes de fûts de chêne se dispersent doucement. Dans cet air épais, gonflent des raisins et des pêches pris dans une gaine de tabac blond.

Avec l’aération, les fruits continuent de s’égailler joyeusement et sans discontinuer. Une petite pointe de réglisse bien concentrée vient montrer le bout de son nez ; elle resserre les rangs et apporte un peu de rigueur et d’élégance à notre panier de fruits rigolard. Pour parfaire ce cadre, un boisé tendre et chargé d’épices douces vient embrasser l’ensemble.

La bouche est confiturée à souhait, avec des mirabelles, des pêches, des abricots, des coings, qui se voient bientôt secoués par une traînée de poudre prête à s’enflammer. On distingue son côté minéral, cuivré, légèrement brûlé, qui va ensuite faire ressortir toute la gourmandise du bois. En effet, la flamme passée sur le chêne permet d’exprimer de belles envolées de fève tonka, de vanille, de cannelle, dans une fibre de bois moelleuse et même crémeuse. Une certaine douceur végétale s’exprime également, frôlant la sauge et la canne à sucre fraîche.

La finale est élégamment épicée, la torréfaction développe des nuances de cacao et de café, puis se fond en une pâtisserie qui ne quitte plus le palais.

18035 Bas-Armagnac 63,2%

Au nez, on rencontre un rhum grand arôme bien mûr et largement confit, qui semble faire beaucoup plus que son âge. Les fruits exotiques sont pris dans un miel de printemps bien doré, qui a capturé tout le soleil et l’exotisme de son île natale.

L’aération nous met face à une concentration saisissante, où les fruits arborent un air plus sérieux et intense. Oublié le grand arôme, on retrouve notre texture de miel de printemps qui prend désormais des airs de sucs de fruits du verger bien collants. Le rhum continue ensuite de développer sa complexité, entre boisé fondu, épices douces et lait végétal.

En bouche, les fruits exotiques très mûrs développent une petite acidité typique lors de l’attaque. Cette acidité est corroborée par quelques citrons confits au sel, qui nous emmènent à leur tour vers la saumure d’olive verte. Le chêne fondu vient rapidement tempérer les ardeurs des fruits, leur apportant un baume d’épices douces et de mélasse réglissée. Ses tanins sont légèrement cuivrés, comme des noyaux de cerises ou des baies noires aux pépins bien vifs.

La finale est poivrée, torréfiée et délicieusement boisée, avec des fruits séchés et des noyaux qui se développent dans la longueur.