Un rhum agricole pur
jus de canne du Belize ? Et en
plus en Bio ? Il n’en fallait
pas plus pour exciter ma curiosité. J’avais repéré ce rhum depuis quelques mois,
avant d’avoir la chance de le goûter tranquillement grâce à Gaëlle de l’Explorateur
du goût qui en assure la distribution pour la France.
Le Belize est maintenant bien
connu grâce à la distillerie Travellers
(et dans une bien moindre mesure par Cuello) qui distille de très bons rhums de
mélasse souvent proposés par les
embouteilleurs indépendants. Je n’ai en revanche jamais eu l’occasion de goûter
leurs embouteillages officiels (One Barrel
Rum), donc je suis preneur de vos impressions.
Mais ces fameux rhums Travellers,
comme tous les autres rhums de mélasse, sont sous la menace de la fameuse pénurie de mélasse annoncée. Quelques
distilleries ont donc la bonne idée de s’affranchir en partie de cette
dépendance et de distiller du pur jus de
canne (on a pu observer les premiers essais de Foursquare à la Barbade), ou
même de cultiver leurs propres champs de canne pour une indépendance totale.
J’espère que je n’assisterai
pas à la fin des rhums de mélasse, le monde du rhum serait d’un morne absolu,
mais je me réjouis à la fois d’avoir la chance de déguster de plus en plus de rhums de terroir.
La distillerie
La Copal Tree Distillery est née de l’idée de deux américains :
Todd Robinson, conservateur marin, et Anya Fernald, patronne de Belcampo Inc,
une société d’agriculture biologique Californienne. Todd a acheté du terrain au
Belize en 2005, pour y établir un éco-lodge de luxe. Anya l’a rejoint pour y
implanter une ferme en agriculture biologique (la première certifiée du pays),
puis la distillerie a été mise sur pied en 2016.
Le site avait déjà abrité une
distillerie entre 1880 et 1950. On en retrouve d’ailleurs encore quelques
vestiges. C’était un autre américain, un colonel de l’armée confédérée ayant
fui la guerre civile, qui y produisait le Rocky Run Rum.
Aujourd’hui le domaine se
compose donc du Copal Tree Lodge, des Copal Tree farms et de la Copal Tree Distillery. La distillerie
est autonome en canne, les variétés
utilisées sont celles qui restaient dans la région après la disparition de l’ancienne
distillerie.
Le Copal est un arbre sacré pour les mayas. Ils en tiraient une
résine encore utilisée aujourd’hui comme encens. La propriété de plus de 8000 hectares se situe dans la forêt
primaire et constitue le plus gros employeur de la région. C’est un
environnement extrêmement sensible, et l’expérience des deux initiateurs du
projet en termes de responsabilité
écologique est primordiale lorsque l’on sait qu’une distillerie peut
énormément polluer. Les effluents sont par exemple mis à décanter dans des
mares où les végétaux vont les filtrer, à l’issue de quoi ils sont épandus dans
les champs pour y servir d’engrais. La bagasse est bien entendu entièrement
réutilisée dans les chaudières.
Au-delà de l’aspect marketing
de tout cette éco-responsabilité, on ne peut que se réjouir de voir de tels
projets apparaître, avec une idée de rhum
de terroir et bio. L’environnement de la distillerie en bénéficie, du point
de vue écologique, mais surtout du point de vue de la population locale qui travaille et vit près des champs de canne.
Les rhums
Une fois le jus de canne
pressé, il est mis en fermentation
dans des cuves inox fermées. Ce processus dure 3 jours, à l’aide de levures
cultivées localement. Il en ressort un vin titrant 9,5% d’alcool.
Plusieurs appareils de
distillation sont utilisés : 2
alambics charentais et une installation multi-colonnes dont le rhum s’écoule à 94%.
Le rhum blanc est un assemblage de 25% de rhum d’alambic et 75% de
rhum de colonne. Il repose 3 semaines en cuve inox avant d’être embouteillé.
Le rhum ambré est 100% distillé en alambic et repose 6 à 8 mois en fûts ex-bourbon du Tennessee,
placés dans un chai ouvert.
La réduction se fait à l’aide
de l’eau de pluie de la forêt
primaire.
Aucun ajout n’est effectué, qu’il s’agisse de sucre, d’arôme ou de
colorant.
Copalli White – 42%
Single blended rum
Le premier nez est doucement
végétal, avec un air sucré qui rappelle la fine couche cassante d’une crème
brûlée. Le style agricole arrive rapidement, avec des agrumes frais et une
canne légèrement poivrée. Les arômes sont légers, ils donnent l’image d’un jus
de canne fluide et rafraîchissant, un peu acidulé également.
La canne prend de l’assurance
et de l’épaisseur avec un peu d’air. Le végétal est tendre et moelleux mais la
fraîcheur reste de mise, on a donc une eau-de-vie de canne bien équilibrée. Les
agrumes appellent quelques fruits frais, on reste dans la légèreté.
En bouche, l’attaque est douce
et végétale, toujours avec cette canne tendre qui développe maintenant un léger
grain. Pas d’attaque fraîche comme pour un agricole antillais, les 40% ont
assagi le profil qui offre immédiatement tout ce qu’il a à donner. En contrepartie,
le milieu de bouche voit le rhum commencer à décliner assez rapidement.
La finale est savoureusement
poivrée, ce qui se marie bien avec la canne moelleuse. Le rhum s’efface
cependant assez vite sur des notes légères et éthérées.
Un joli pur jus de canne, frais et léger. Il permet de découvrir l’agricole
en douceur, ou d’apporter une nuance de canne fraîche en cocktail. Cela reste
un peu juste en dégustation pure, mais je ne crois pas que ce soit le but
recherché. Je l’essaierais bien allongé d’un trait d’eau de coco.
Copalli Barrel Rested – 44%
Pure single rum
Dans les premiers instants, le
nez est sensiblement pareil à celui du blanc, si ce n’est que le repos est
palpable (évidemment me direz vous, mais on attendait aussi une différence plus importante du fait du 100% alambic). Une teinte chocolatée vient tempérer la fraîcheur,
mais celle-ci revient par le biais d’un végétal résineux, d’un bois vert, aux
limites du médicinal. Le citron vert est bien en évidence, on croirait presque
sentir un ti’punch.
L’aération ne m’enlève pas l’idée
du ti’punch de la tête. La canne revient sur le devant de la scène, avec un
côté un peu plus sec et poivré, avant que sa chair ne s’adoucisse et ne
devienne plus tendre et sucrée.
En bouche, on trouve un rhum
savoureux mais un peu timide pour ceux qui aiment avoir un peu de puissance. La
canne est très joliment habillée, avec un végétal bien vert qui va jusqu’au
menthol, un peu de tabac blond, du poivre et des fruits jaunes délicats.
La finale arrive très vite
malheureusement, mais la longueur est agréable, sur une canne très légèrement
épicée et boisée.
Voici un rhum délicat, avec des arômes qui le sont tout autant. Je
dirais à ceux qui aiment que ça bastonne de passer leur chemin, mais pour les
autres c’est une petite eau-de-vie de canne tout à fait honnête. Je choisirais
cette version plutôt que le blanc, car elle apporte plus de complexité et de
longueur.
Je ne vous cacherai pas que j’attendais
un peu plus de ces rhums, mais je pense que je n’en suis pas tout à fait la
cible. Alors que j’aurais aimé déguster un rhum blanc 100% alambic avec un peu
de puissance, Copalli nous propose des rhums très doux destinés plus
probablement à la découverte ou aux cocktails qu’à la dégustation pure.
Mais la démarche est à saluer,
et lorsque la toute jeune marque s’intéressera aux dégustateurs qui ont envie d’une
image de terroir un peu plus vibrante, je serai à 100% au rendez-vous.
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