mardi 30 avril 2019

Copalli, un rhum pur jus de canne du Belize

Crédits Photos : Copalli
Un rhum agricole pur jus de canne du Belize ? Et en plus en Bio ? Il n’en fallait pas plus pour exciter ma curiosité. J’avais repéré ce rhum depuis quelques mois, avant d’avoir la chance de le goûter tranquillement grâce à Gaëlle de l’Explorateur du goût qui en assure la distribution pour la France.

Le Belize est maintenant bien connu grâce à la distillerie Travellers (et dans une bien moindre mesure par Cuello) qui distille de très bons rhums de mélasse souvent proposés par les embouteilleurs indépendants. Je n’ai en revanche jamais eu l’occasion de goûter leurs embouteillages officiels (One Barrel Rum), donc je suis preneur de vos impressions.
Mais ces fameux rhums Travellers, comme tous les autres rhums de mélasse, sont sous la menace de la fameuse pénurie de mélasse annoncée. Quelques distilleries ont donc la bonne idée de s’affranchir en partie de cette dépendance et de distiller du pur jus de canne (on a pu observer les premiers essais de Foursquare à la Barbade), ou même de cultiver leurs propres champs de canne pour une indépendance totale.
J’espère que je n’assisterai pas à la fin des rhums de mélasse, le monde du rhum serait d’un morne absolu, mais je me réjouis à la fois d’avoir la chance de déguster de plus en plus de rhums de terroir.

La distillerie


La Copal Tree Distillery est née de l’idée de deux américains : Todd Robinson, conservateur marin, et Anya Fernald, patronne de Belcampo Inc, une société d’agriculture biologique Californienne. Todd a acheté du terrain au Belize en 2005, pour y établir un éco-lodge de luxe. Anya l’a rejoint pour y implanter une ferme en agriculture biologique (la première certifiée du pays), puis la distillerie a été mise sur pied en 2016.
Le site avait déjà abrité une distillerie entre 1880 et 1950. On en retrouve d’ailleurs encore quelques vestiges. C’était un autre américain, un colonel de l’armée confédérée ayant fui la guerre civile, qui y produisait le Rocky Run Rum.


Aujourd’hui le domaine se compose donc du Copal Tree Lodge, des Copal Tree farms et de la Copal Tree Distillery. La distillerie est autonome en canne, les variétés utilisées sont celles qui restaient dans la région après la disparition de l’ancienne distillerie.
Le Copal est un arbre sacré pour les mayas. Ils en tiraient une résine encore utilisée aujourd’hui comme encens. La propriété de plus de 8000 hectares se situe dans la forêt primaire et constitue le plus gros employeur de la région. C’est un environnement extrêmement sensible, et l’expérience des deux initiateurs du projet en termes de responsabilité écologique est primordiale lorsque l’on sait qu’une distillerie peut énormément polluer. Les effluents sont par exemple mis à décanter dans des mares où les végétaux vont les filtrer, à l’issue de quoi ils sont épandus dans les champs pour y servir d’engrais. La bagasse est bien entendu entièrement réutilisée dans les chaudières.

Au-delà de l’aspect marketing de tout cette éco-responsabilité, on ne peut que se réjouir de voir de tels projets apparaître, avec une idée de rhum de terroir et bio. L’environnement de la distillerie en bénéficie, du point de vue écologique, mais surtout du point de vue de la population locale qui travaille et vit près des champs de canne.


Les rhums


Une fois le jus de canne pressé, il est mis en fermentation dans des cuves inox fermées. Ce processus dure 3 jours, à l’aide de levures cultivées localement. Il en ressort un vin titrant 9,5% d’alcool.


Plusieurs appareils de distillation sont utilisés : 2 alambics charentais et une installation multi-colonnes dont le rhum s’écoule à 94%.


Le rhum blanc est un assemblage de 25% de rhum d’alambic et 75% de rhum de colonne. Il repose 3 semaines en cuve inox avant d’être embouteillé.

Le rhum ambré est 100% distillé en alambic et repose 6 à 8 mois en fûts ex-bourbon du Tennessee, placés dans un chai ouvert.


La réduction se fait à l’aide de l’eau de pluie de la forêt primaire.
Aucun ajout n’est effectué, qu’il s’agisse de sucre, d’arôme ou de colorant.


Copalli White – 42%
Single blended rum

Le premier nez est doucement végétal, avec un air sucré qui rappelle la fine couche cassante d’une crème brûlée. Le style agricole arrive rapidement, avec des agrumes frais et une canne légèrement poivrée. Les arômes sont légers, ils donnent l’image d’un jus de canne fluide et rafraîchissant, un peu acidulé également.
La canne prend de l’assurance et de l’épaisseur avec un peu d’air. Le végétal est tendre et moelleux mais la fraîcheur reste de mise, on a donc une eau-de-vie de canne bien équilibrée. Les agrumes appellent quelques fruits frais, on reste dans la légèreté.
En bouche, l’attaque est douce et végétale, toujours avec cette canne tendre qui développe maintenant un léger grain. Pas d’attaque fraîche comme pour un agricole antillais, les 40% ont assagi le profil qui offre immédiatement tout ce qu’il a à donner. En contrepartie, le milieu de bouche voit le rhum commencer à décliner assez rapidement.
La finale est savoureusement poivrée, ce qui se marie bien avec la canne moelleuse. Le rhum s’efface cependant assez vite sur des notes légères et éthérées.


Un joli pur jus de canne, frais et léger. Il permet de découvrir l’agricole en douceur, ou d’apporter une nuance de canne fraîche en cocktail. Cela reste un peu juste en dégustation pure, mais je ne crois pas que ce soit le but recherché. Je l’essaierais bien allongé d’un trait d’eau de coco.

Copalli Barrel Rested – 44%
Pure single rum

 
Dans les premiers instants, le nez est sensiblement pareil à celui du blanc, si ce n’est que le repos est palpable (évidemment me direz vous, mais on attendait aussi une différence plus importante du fait du 100% alambic). Une teinte chocolatée vient tempérer la fraîcheur, mais celle-ci revient par le biais d’un végétal résineux, d’un bois vert, aux limites du médicinal. Le citron vert est bien en évidence, on croirait presque sentir un ti’punch.
L’aération ne m’enlève pas l’idée du ti’punch de la tête. La canne revient sur le devant de la scène, avec un côté un peu plus sec et poivré, avant que sa chair ne s’adoucisse et ne devienne plus tendre et sucrée.
En bouche, on trouve un rhum savoureux mais un peu timide pour ceux qui aiment avoir un peu de puissance. La canne est très joliment habillée, avec un végétal bien vert qui va jusqu’au menthol, un peu de tabac blond, du poivre et des fruits jaunes délicats.
La finale arrive très vite malheureusement, mais la longueur est agréable, sur une canne très légèrement épicée et boisée.


  
Voici un rhum délicat, avec des arômes qui le sont tout autant. Je dirais à ceux qui aiment que ça bastonne de passer leur chemin, mais pour les autres c’est une petite eau-de-vie de canne tout à fait honnête. Je choisirais cette version plutôt que le blanc, car elle apporte plus de complexité et de longueur.

Je ne vous cacherai pas que j’attendais un peu plus de ces rhums, mais je pense que je n’en suis pas tout à fait la cible. Alors que j’aurais aimé déguster un rhum blanc 100% alambic avec un peu de puissance, Copalli nous propose des rhums très doux destinés plus probablement à la découverte ou aux cocktails qu’à la dégustation pure.
Mais la démarche est à saluer, et lorsque la toute jeune marque s’intéressera aux dégustateurs qui ont envie d’une image de terroir un peu plus vibrante, je serai à 100% au rendez-vous.

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