C'est étrange comme notre découverte des eaux-de-vie de canne peut parfois prendre des chemins détournés. Notre quête nous a récemment menés vers des destinations toujours plus exotiques, comme le Japon, la Thaïlande, le Vietnam, ou encore vers un retour aux racines avec le Cap-Vert, Madère ou Haïti.
Pendant tout ce temps, il semble que l'on ait un peu oublié la cachaça, un monde à part entière, mais pour ainsi dire inexploré.
D'une part, des centaines de petites et moyennes distilleries brésiliennes ont malheureusement été éclipsées par des mastodontes industriels, d'où sortent des alcools quasi neutres dont on fait des caïpirinhas fades pour happy hours.
D'autre part, le problème est que même en s'y intéressant un peu (on trouve bien quelques jolies choses chez Abelha, Germana, ou Engenho Da Vertente), on se retrouve vite ennuyé par un excès de délicatesse qui limite son intérêt en dégustation pure, surtout si on la compare avec les clairins ou les grogues par exemple.
Encore une fois, les marques de qualité qui parviennent jusqu'à nous (je parle de la France ; l'Allemagne semble plus curieuse et mieux lotie en la matière) ne représentent qu'une part infinitésimale de la production brésilienne. On peut donc imaginer qu'il existe des choses plus intenses, plus charnues, plus excitantes, et j'ai tout récemment constaté que c'est le cas !
Mon regain d'intérêt pour la cachaça a commencé lorsque Jérôme de l'Adresse Gourmande (Les Clayes sous Bois - 78) m'a mis sous le nez une drôle de petite bombe non identifiée :
- "Mmmm... c'est un nouveau clairin ?"
- "Non ce serait trop facile..."
- "Un grogue ?"
- "Non plus..."
- "Une nouvelle curiosité asiatique ?"
- "..."
- "Une nouvelle curiosité asiatique ?"
- "..."
- "Ce côté truffé, ça rappelle ce que font les petites distilleries de métropole, ce n'est pas de la mélasse quand-même ?"
(Sourire satisfait de Jérôme)
- "Tu es complètement paumé hein ?"
- "...merde alors..."
- "C'est une cachaça"
- "...merde alors !"
Cette petite anecdote représente bien le sentiment qui s'était installé chez moi vis à vis de la cachaça, je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse exister un truc aussi sauvage, aussi puissant, aussi funky, aussi bandant quoi ! Cette Bica do Alambique de Magnifica nous montre bien que le Brésil concentre un large éventail de profils, découlant de traditions, de méthodes et de terroirs différents.
La cachaça va certainement avoir beaucoup de choses à nous dire dans les années à venir, donc merci par avance aux découvreurs qui vont nous dévoiler cet univers !
Revenons un peu aux origines si vous le voulez bien, avec une brève histoire de cette eau-de-vie de pur jus de canne.
Une brève histoire de la cachaça
Dès le début du XVIème siècle, les portugais ont exporté des plants de canne à sucre depuis Madère jusqu'au nouveau monde. Très tôt, ils ont fabriqué un vin de canne qui a été vivement apprécié des agriculteurs et de leurs esclaves. La distillation est arrivée dans la foulée, mais au lieu d'utiliser ce fameux vin de canne, on a distillé les écumes produites par la cuisson du jus de canne pour la fabrication du sucre. Ce tord-boyaux était uniquement donné aux esclaves pour leur faire oublier la soif, la chaleur et l'horreur de leur condition.
Les propriétaires de fermes ont ensuite réalisé que la distillation du vin de canne donnait de très bonnes choses, et ce que l'on a commencé à appeler cachaça a gagné peu à peu ses lettres de noblesse. Sa réputation en dehors du pays en a même fait une monnaie d'échange prisée dans l'ignoble commerce triangulaire.
Comme beaucoup de produits coloniaux, elle a concurrencé les denrées venues du vieux continent, et comme toujours dans ces cas là, les producteurs d'aguardente (eau-de-vie) portugais en ont réclamé l'interdiction. La couronne du Portugal, après avoir tenté (sans succès) une interdiction au XVIIème siècle, a finalement opté pour une lourde taxation au cours du XVIIIème.
Cette hausse des prix, plutôt que de tuer la cachaça, a eu sur elle un effet inattendu. Pour que ce prix soit justifié, les distillateurs se sont appliqué et ont affiné leurs méthodes, créant ainsi des eaux-de-vie de qualité exceptionnelle. Si bien qu'en quelques années la cachaça s'est retrouvée aux plus grandes tables de la cour.
Après l'indépendance du Brésil et l'abolition de l'esclavage a cours du XIXème siècle, la cachaça a marqué un temps d'arrêt relatif, car si elle n'était plus consommée au Portugal, elle était toujours largement produite et ancrée dans la culture brésilienne. Elle est longtemps restée une boisson populaire boudée par les élites, jusqu'à une réhabilitation progressive au cours du XXème siècle.
Aujourd'hui, on recense plus de 1500 distilleries officiellement enregistrées (et sans doute un nombre encore plus important de petits distillateurs "maison") et les volumes produits sont les mêmes que pour ceux des rhums des Caraïbes et de l'Amérique Latine réunies.
Qu'est-ce que la cachaça ?
La cachaça est une proche parente du rhum agricole puisque c'est une distillation de pur jus de canne fermenté exclusivement. Quelques détails l'en différencient cependant. Nous allons parler de la cachaça traditionnelle ("do alambique") en écartant volontairement la cachaça industrielle qui est une sorte de vodka de canne issue de grands complexes multi-colonnes.
La cachaça va certainement avoir beaucoup de choses à nous dire dans les années à venir, donc merci par avance aux découvreurs qui vont nous dévoiler cet univers !
Revenons un peu aux origines si vous le voulez bien, avec une brève histoire de cette eau-de-vie de pur jus de canne.
Une brève histoire de la cachaça
Dès le début du XVIème siècle, les portugais ont exporté des plants de canne à sucre depuis Madère jusqu'au nouveau monde. Très tôt, ils ont fabriqué un vin de canne qui a été vivement apprécié des agriculteurs et de leurs esclaves. La distillation est arrivée dans la foulée, mais au lieu d'utiliser ce fameux vin de canne, on a distillé les écumes produites par la cuisson du jus de canne pour la fabrication du sucre. Ce tord-boyaux était uniquement donné aux esclaves pour leur faire oublier la soif, la chaleur et l'horreur de leur condition.
Les propriétaires de fermes ont ensuite réalisé que la distillation du vin de canne donnait de très bonnes choses, et ce que l'on a commencé à appeler cachaça a gagné peu à peu ses lettres de noblesse. Sa réputation en dehors du pays en a même fait une monnaie d'échange prisée dans l'ignoble commerce triangulaire.
Comme beaucoup de produits coloniaux, elle a concurrencé les denrées venues du vieux continent, et comme toujours dans ces cas là, les producteurs d'aguardente (eau-de-vie) portugais en ont réclamé l'interdiction. La couronne du Portugal, après avoir tenté (sans succès) une interdiction au XVIIème siècle, a finalement opté pour une lourde taxation au cours du XVIIIème.
Cette hausse des prix, plutôt que de tuer la cachaça, a eu sur elle un effet inattendu. Pour que ce prix soit justifié, les distillateurs se sont appliqué et ont affiné leurs méthodes, créant ainsi des eaux-de-vie de qualité exceptionnelle. Si bien qu'en quelques années la cachaça s'est retrouvée aux plus grandes tables de la cour.
Après l'indépendance du Brésil et l'abolition de l'esclavage a cours du XIXème siècle, la cachaça a marqué un temps d'arrêt relatif, car si elle n'était plus consommée au Portugal, elle était toujours largement produite et ancrée dans la culture brésilienne. Elle est longtemps restée une boisson populaire boudée par les élites, jusqu'à une réhabilitation progressive au cours du XXème siècle.
Aujourd'hui, on recense plus de 1500 distilleries officiellement enregistrées (et sans doute un nombre encore plus important de petits distillateurs "maison") et les volumes produits sont les mêmes que pour ceux des rhums des Caraïbes et de l'Amérique Latine réunies.
Qu'est-ce que la cachaça ?
La cachaça est une proche parente du rhum agricole puisque c'est une distillation de pur jus de canne fermenté exclusivement. Quelques détails l'en différencient cependant. Nous allons parler de la cachaça traditionnelle ("do alambique") en écartant volontairement la cachaça industrielle qui est une sorte de vodka de canne issue de grands complexes multi-colonnes.
La fermentation du jus de canne fraîchement pressé se fait la plupart du temps en contenant ouvert, avec des levures spontanément présentes dans le jus et dans l'environnement, ou des levures cultivées spécialement. On peut utiliser des "boosters" de fermentation comme du maïs, du riz, ou encore du jus de citron pour acidifier le moût. Cette fermentation est en général assez courte, elle tourne autour de 24 heures. À l'issue de cette durée, on distille en général les 3/4 du moût et on garde le dernier quart comme mère de fermentation durant toute la saison
La distillation se fait avec des petits alambics à repasse en cuivre, mais la simple passe est également pratiquée. Réduite à un degré compris entre 38% et 48%, la cachaça est mise au repos dans des foudres de bois (souvent d'essences locales) durant quelques mois avant d'être embouteillée (avec une édulcoration permise à hauteur de 6 g/L).
Ceci est la méthode la plus répandue, mais il existe une infinité de variantes, certaines cachaças sortant même localement de leur cahier des charges pour titrer à plus de 50% par exemple.
La cachaça Magnifica de Faria
La cachaça Magnifica de Faria
Joao Luiz de Faria est l'une des personnes à l'origine du renouveau de la cachaça comme produit haut de gamme. Grand amateur de spiritueux, et surtout de whisky, il a vu il y a 35 ans avec l'ouverture de l'économie brésilienne une occasion de hisser l'eau-de-vie nationale au niveau du rhum ou du Cognac.
Tout a été mis en place pour faire une cachaça de grande qualité, depuis la plantation de la canne jusqu'à l'élevage en fût. Les débuts ont été difficiles car le soin apporté à la production a occasionné des coûts importants pour la petite fazenda (ferme). Sa cachaça a connu un grand succès d'estime mais elle était 10 fois plus chère que ses concurrentes d'entrée de gamme.
Petit à petit, sa qualité lui a permise de s'introduire dans les meilleurs bars et restaurants, jusque dans une petite chaîne anglaise de restaurants qui a changé la donne. Les caïpirinhas des restaurants Las Iguanas ont connu un succès retentissant qui a rayonné jusqu'en Angleterre, permettant ainsi à Magnifica de commencer à conquérir l'Europe. Elle est présente en France depuis maintenant 2 ans.
Magnifica est une cachaça "single estate", ce qui signifie qu'elle est produite à 100% à partir des cannes de l'exploitation, et que toutes les autres étapes de sa production sont réalisées sur le site.
Petit à petit, sa qualité lui a permise de s'introduire dans les meilleurs bars et restaurants, jusque dans une petite chaîne anglaise de restaurants qui a changé la donne. Les caïpirinhas des restaurants Las Iguanas ont connu un succès retentissant qui a rayonné jusqu'en Angleterre, permettant ainsi à Magnifica de commencer à conquérir l'Europe. Elle est présente en France depuis maintenant 2 ans.
Magnifica est une cachaça "single estate", ce qui signifie qu'elle est produite à 100% à partir des cannes de l'exploitation, et que toutes les autres étapes de sa production sont réalisées sur le site.
La fazenda se trouve dans les montagnes de l’État de Rio de Janeiro, elle dispose donc de parcelles aux inclinaisons et aux altitudes différentes, pour une riche diversité de sa matière première.
La fermentation se déroule sur 18 heures en moyenne, en cuves inox, à l'aide d'une culture de levures autochtones. Ici, pas d'ajout de maïs ni d'autres intrants extérieurs.
La fermentation se déroule sur 18 heures en moyenne, en cuves inox, à l'aide d'une culture de levures autochtones. Ici, pas d'ajout de maïs ni d'autres intrants extérieurs.
La distillation se fait dans un "triple" alambic "pot-still" : la première cuve fait en réalité office de chauffe vin, puis le jus fermenté passe dans la deuxième cuve. De cette première distillation, on conserve le cœur de chauffe, les têtes et les queues sont ensuite re-distillées dans la troisième cuve. Le distillat qui sera mis au repos ou en vieillissement est donc un assemblage des distillats des deux cuves, qui titre en moyenne à 49%. La distillerie dispose de foudres d'ipê pour le repos et d'ex-fûts de bourbon pour le vieillissement. Elle ne pratique d'édulcoration sur aucun de ses embouteillages.
Bica do alambique - 48%
Bica do alambique - 48%
Une cachaça blanche qui a subi une très légère réduction pour entrer dans le cahier des charges de la cachaça (maximum 48%). Elle est "presque" brut d'alambic car elle s'écoule de celui-ci à 49%.
Le nez est puissant, avec une canne dense et organique, à la façon d'un clairin. Sa générosité est contenue et ne cède pas à un côté trop sauvage. Tout cela est dompté, maîtrisé, encadré. On décèle un côté terreux, truffé, des arômes que l'on rencontre habituellement sur des rhums de longue fermentation. Le vesou est riche, légèrement acide et iodé, avec également un aspect très rhum agricole, fait de zeste de citron vert et de bagasse poivrée.
Le temps adoucit considérablement le profil et nous mène à une canne moelleuse, douillette. Elle s'est débarrassée de son caractère fermier, au profit d'un sirop de canne bien velouté.
En bouche, l'attaque est présente mais équilibrée, plutôt ronde, avec une canne qui se déploie immédiatement en gras et en végétal. L'acidité et l'aspect iodé prenn
ent le relais pour étreindre la langue un instant, avec une pointe de poivre léger. Les notes les plus organiques arrivent après cela, accompagnées d'une sensation cuivrée et d'une pointe d'olive.
La finale se prolonge sur le vesou fermenté et l'olive en saumure, le gras de la cachaça ne quitte pas le palais. Quelques notes d'épices et de réglisse s'accrochent dans la longueur.
Une eau-de-vie de canne spontanée et naturelle, sans recherche particulière de sophistication mais avec tout de même une impression de maîtrise. Cette cachaça est à mille lieues de ce que j'avais pu déguster jusqu'ici dans cette catégorie, elle apporte une sensation de vrai, de canne intense et de terroir.
Tradicional - 40%
Cette cachaça a connu un repos de 18 mois en foudre d'ipê, une essence de bois du Brésil.
Le premier nez est doucement végétal, un peu miellé, avec une canne qui semble presque résineuse. Cette patine de résine est portée par une touche de solvant qui apporte son petit coup de fouet et qui conserve ainsi notre attention. C'est un nez assez typique d'eau-de-vie de pur jus ayant connu un petit passage sous bois : on conserve la fraîcheur de la canne, avec un petit boisé épicé et des notes fruitées un peu confites ou compotées. L'aération insiste davantage sur l'écorce et la bagasse, le jus de canne devient un peu plus piquant et poivré. Le tableau est maintenant complet et plutôt réussi.
La bouche est délicate, la canne file droit sur le palais avec une traîne d'épices, de fruits et de réglisse. Elle ne s'attarde pas trop en chemin, et bien que lumineux, son passage reste rapide. Elle aura tout de même pris le soin de laisser quelques éclats de canne moelleuse et de cassonade.
En finale, on retrouve les notes les plus lourdes de la fermentation, avec une touche cuivrée, iodée, et un peu d'olive.
Cette cachaça nagera aisément en caïpirinha, avec sa canne concentrée et ses épices. Elle est en revanche un peu juste en dégustation pure car un peu pressée d'en finir.
Envelhecida - 43%
Une cachaça reposée 1 an en foudre d'ipê, puis vieillie 3 ans en ex-fûts de bourbon, sans ouillage.
Au nez, il est intéressant de voir qu'un pur jus de canne puissant peut encore en imposer après 4 ans de vieillissement. Bien que transformée par le bois, la canne est toujours souveraine et transmet sa fraîcheur végétale. Ce nez est très vert, et nous emmène aussi bien du côté de l'herbe grasse que de celui du maquis ou de la forêt tropicale.
L'aération apporte des arômes complexes, de bois ciré, de noyau, de fruits exotiques charnus comme la mangue. Le chêne américain patiente sagement dans le fond, mais il est comme envahi par une résine fraîche et herbacée. Il n'aura certainement pas l'occasion d'étaler toute sa vanille. La concentration est étonnante, elle est soutenue par une sensation cuivrée qui se mêle aux noyaux et aux noix discrètement grillées.
La bouche est douce, bien plus clémente que ce que l'on pouvait attendre. Elle déverse une eau-de-vie chaleureusement florale, avec une canne couverte de nombreuses couches d'apparat. Le poivre et le chêne grillé nous ramènent à quelque chose de plus charpenté, avant que les tanins du fût ne fondent en pruneaux et en dattes sous l'effet du jus de canne.
La finale est très agricole, avec des fruits séchés comme l'abricot, de la canne fraîche et un reste de zeste de citron vert.
Il semble que cette cachaça ait atteint son âge idéal, celui où la canne, encore pleine de potentiel, influence et crée des réactions en chaîne au sein du fût. L'idéal serait d'avoir plus de puissance pour une expression plus poignante, mais là n'est pas la philosophie de la cachaça.
Reserva Soleira - 43%
Joao Luiz de Faria s'est rendu au Venezuela pour participer à une compétition en tant que juré. C'est en visitant Santa Teresa qu'il a découvert le principe de la solera. Il a démarré une criadera de 8 étages en 2001. Pas de compte d'âge bien entendu, mais une part des anges estimée à 6-10% chaque année.
Le nez est assez léger et entre davantage dans les codes des "rones" d'Amérique Latine. Le chêne
américain diffuse ses notes légères de vanille et de bois toasté, le pur jus de canne reste pour le moment en retrait. Le bois blanc et frais prend le relais, avec quelques touches éthérées, signes d'un alcool relativement jeune.
Avec l'aération,le rhum la cachaça prend un tournant plus caramélisé, avec en fond des fruits exotiques cuits et compotés. C'est alors que l'eau-de-vie de pur jus vieillie ressurgit franchement, à mesure que les fruits se changent en fruits séchés et confits dans une ambiance presque pâtissière. Les raisins secs gorgés de rhum prennent alors une touche grand arôme, un peu à la façon d'un rhum de Guadeloupe.
La bouche est d'abord saisie par le bois toasté et le café torréfié, puis les épices entament un virage parfumé qui nous mène naturellement vers les fruits confits et séchés. La canne revient avec un peu de fraîcheur en milieu de bouche, elle amène un côté plus sec et une petite amertume de zeste de citron vert.
La finale est gourmande, avec un mélange de vanille, de raisins et d'abricots secs.
Cette cachaça explore un autre univers que celui du Brésil. Elle a besoin d'un peu d'air pour exprimer une gourmandise qui ne m'a pas touché outre mesure. Alors que ce profil est bien maîtrisé par les rhums de Guadeloupe, j'aurais sans doute aimé que cette eau-de-vie-ci garde ce qui fait sa spécificité au départ.
Le nez est assez léger et entre davantage dans les codes des "rones" d'Amérique Latine. Le chêne
américain diffuse ses notes légères de vanille et de bois toasté, le pur jus de canne reste pour le moment en retrait. Le bois blanc et frais prend le relais, avec quelques touches éthérées, signes d'un alcool relativement jeune.
Avec l'aération,
La bouche est d'abord saisie par le bois toasté et le café torréfié, puis les épices entament un virage parfumé qui nous mène naturellement vers les fruits confits et séchés. La canne revient avec un peu de fraîcheur en milieu de bouche, elle amène un côté plus sec et une petite amertume de zeste de citron vert.
La finale est gourmande, avec un mélange de vanille, de raisins et d'abricots secs.
Cette cachaça explore un autre univers que celui du Brésil. Elle a besoin d'un peu d'air pour exprimer une gourmandise qui ne m'a pas touché outre mesure. Alors que ce profil est bien maîtrisé par les rhums de Guadeloupe, j'aurais sans doute aimé que cette eau-de-vie-ci garde ce qui fait sa spécificité au départ.
Single cask - fût A27 - 39%
Une cachaça vieillie 12 ans en fût de chêne américain ex-bourbon (2007-2019), sans ouillage, 124 bouteilles.
Le premier nez est végétal et sérieux, très vert et herbacé. Après quelques petites secondes et une passe de solvant, une belle eau-de-vie de canne arrive, pleine de promesses. Elle est remplie d'eaux-de-vies de mangue, d'ananas, de banane, et rappelle vraiment le travail de La Part des Anges à La Réunion. On note également une approche moelleuse de tabac, de châtaigne, de résine dorée, ou encore de levure.
Le bois se met en avant avec l'aération, il saupoudre le jus de canne de fève de tonka, de cannelle, et d'un peu de poivre doux. La cachaça prend alors du corps et s'épaissit en un miel concentré. Les arômes organiques et fermentaires de l'eau-de-vie grondent et pulsent sous la patine du bois. La cachaça telle qu'elle était à la sortie de l'alambic est encore bien présente, avec son petit air cuivré et ses touches de noyau. Ce nez est très vivant et concentré, on y retrouve les qualités des différents embouteillages de la gamme.
L'attaque en bouche est douce, avec une tendance plutôt sèche et boisée, puis un côté grillé et minéral. La canne embrasse tout un ensemble de végétaux, des plantes aromatiques séchées aux épines de pin, en passant par le foin et l'herbe coupée. Elle est aussi habillée d'un miel doré et de quelques épices douces. Le bois ciré imprime les papilles en milieu de bouche, puis libère le jus de canne moelleux teinté de noyaux de cerises et de pruneaux.
La finale est longue, pâtissière et sur le noyau, puis doucement herbacée à la manière d'un vermouth.
Le nez de cette cachaça est superbe et encore une fois totalement inattendu dans cette catégorie. L'eau-de-vie sortie de l'alambic transparaît de bout en bout, elle change de tenue sans arrêt comme dans un numéro de transformiste. La bouche est un peu en dessous des promesses du nez, encore une fois la douceur et l'inoffensivité sont de rigueur.
------------------------------------------------
Je suis vraiment satisfait de cette dégustation complète, car j'avais peur que ce qui me plaisait dans la Bica de Alambique perde peu à peu de son intérêt au fur et à mesure des vieillissements. J'ai l'impression que les pur jus distillés en alambic, sont fragiles et ont tendance à perdre leur âme en passant du temps avec le bois (Libération mis à part bien entendu 💖). Cela s'est vérifié avec les clairins, ainsi qu'avec la plupart des cachaças et grogues vieillis que j'ai pu goûter.
Mais le travail effectué sur l'Envelhecida et le Single Cask tendent ici à montrer que ce n'est pas une fatalité, ce que je trouve vraiment réjouissant. Bien sûr, excepté pour la Bica do Alambique, toutes les cachaças dégustées aujourd'hui manquent un peu d'intensité en bouche, mais cela est plus certainement dû au faible titrage imposé qu'à une déperdition liée au temps, car la concentration et les arômes nouveaux nés des interactions à l'intérieur du fût sont bel et bien là.
Magnifique ton article, très instructif.
RépondreSupprimerJ'ai particulièrement souris au moment de ton anecdote avec Jérôme. Il m'a fait la même et j'ai eu plus ou moins les mêmes réflexions. Très surpris que ce soit de la Cachaça. Il est fort pour nous faire découvrir des choses étonnantes.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerSuperbe article!! Comme d'habitude!
RépondreSupprimerEn terme d'export, quel est la proportion aujourd'hui? Ce n'est pas encore énorme j'imagine!
C'est seulement 1% de la cachaça brésilienne qui est exportée...
Supprimer