dimanche 8 mai 2016

Master Class Mount Gay


Les rhums de la Barbade sont de plus en plus appréciés des Français curieux qui souhaitent sortir de leurs habitudes agricoles. Ils sont aussi en général une façon pour ceux qui aiment les rhums sucrés, souvent de tradition Espagnole, d'explorer de nouveaux horizons et de découvrir un vrai goût de rhum, débarrassé du trop plein de sucre et de caramel qui finit par lasser même les plus gourmands.  Équilibrés, généreux et accessibles, les "Bajan rums" sont, on le dit souvent d'un point de vue purement franco-agricole, le pont entre les "rones" sucrés et les rhums agricoles des Antilles Françaises, présentés alors comme l'ultime expérience du dégustateur de rhum. De mon point de vue ce discours est quelque peu chauvin mais là n'est pas le sujet.
Malgré leurs qualités indéniables, j'ai l'impression que ces rhums ne sont pas forcement bien représentés sur les étagères des cavistes et donc dans nos bars. Sans doute un manque de promotion et peut-être un manque de sens du spectacle, une certaine sobriété qui ne serait pas appréciée à sa juste valeur dans un monde où le m'as-tu-vu fait trop souvent de l'ombre à la sagesse.

Parmi ces rhums, je ne connaissais moi-même pas bien Mount Gay, plutôt habitué aux embouteillages de la distillerie Foursquare et au Cockspur 12 qui font partie des bouteilles que je renouvelle systématiquement (malheureusement ce ne sera plus le cas pour le dernier car il a subi une belle augmentation tarifaire ces derniers mois. 15€ la nouvelle étiquette ça fait un peu cher). Cette master class était donc l'occasion rêvée de faire plus ample connaissance.
   
C'est donc dans une très chic suite de l’hôtel Bachaumont à Paris que Miguel Smith le représentant de la marque nous a reçu, avant tout pour nous parler d'un "nouveau" produit : Le Black Barrel. Sorti en 2014 et présenté au RhumFest 2015 il n'est pas si nouveau mais une présentation en bonne et due forme semblait nécessaire. Nous y reviendrons et le dégusterons plus tard.

Mount Gay est la plus ancienne distillerie de la Barbade et même sans doute la plus ancienne distillerie de rhum au monde. Elle daterait de 1637 et le premier document officiel mentionnant une "pot-still house" date de 1703, date emblématique de la marque.

Au passage, j'ai appris que le nom de la Barbade viendrait des explorateurs Portugais qui arrivant sur l'île furent marqués par ses figuiers aux feuillages ressemblant à une barbe. Il l’appelèrent alors "Los Barbados". 

C'est aussi la première distillerie de rhum à utiliser les pot-stills servant à distiller le whisky, importés par les Anglais qui colonisèrent l'île à partir de 1625.
Mount Gay tient son nom de Sir John Gay Alleyne qui n'était pas le propriétaire de la distillerie mais celui qui porta et développa la distillerie Mount Gilboa au cours du 18è siècle. Après sa mort on lui rendit hommage en rebaptisant la distillerie à son nom. Le rhum Mount Gilboa est toujours produit à la distillerie, il s'agit d'un rhum plus confidentiel produit uniquement à partir de pot-stills.
Ce dernier fait figure d'exception dans la région qui est passée maître dans l'art de l'assemblage de rhums issus de colonne et de rhums issus de pot-stills. Cette pratique de l'assemblage est chère à Mount Gay qui souhaite conserver cette identité à l'heure où les rhums 100% pot-still retiennent de plus en plus l'attention des amateurs. Leur objectif est avant tout de produire des rhums qui soient agréables à tout le monde.
La fermentation de la mélasse se fait à l'aide de levures maison en contenants ouverts durant 46/48 heures, en résulte un "wash" entre 6 et 8% d'alcool.
La distillation se fait donc ensuite en colonne coffey en métal ainsi qu'en pot-still. Différents batches (cuvées) sont ensuite assemblés pour produire la gamme Mount Gay.

Le rhum Black Barrel, assemblage de rhums de 2 à 7 ans, présente la particularité d'être vieilli en anciens fûts de Bourbon fortement re-brûlés. En effet, les fûts de bourbon sont déjà préalablement toastés, voire carbonisés à l'intérieur avant de recevoir leur bourbon. Cela pour plusieurs raisons :
- Favoriser les échanges bois / liquide
- Développer ou inhiber selon les souhaits certains arômes
- Fournir un charbon actif qui permet de filtrer le souffre par exemple
Pour le Black Barrel, les fûts vidés de leur bourbon sont une nouvelle fois brûlés, ou plutôt carbonisés dans le cas  présent, on parle de "Heavy char". Le simple toastage du fût apporte des notes épicées (vanilline), de terre ou de bois. Ici la carbonisation apporte plus de couleur et des notes de caramel et de fumé.

Au nez ce Black Barrel est vraiment très agréable, on sent d'abord du cuir, du pain grillé, du boisé. Puis on a de la mélasse, du café. Avec un peu de temps des notes plus fruitées apparaissent, de la banane rôtie et enfin de la vanille.
 
En bouche on est plutôt sur un registre whisky / bourbon, épicé, un peu fumé, et toujours de la vanille. C'est assez court en bouche car le côté épicé saisit un instant avant de laisser une langue un peu lourde et une impression assez grasse.
Cette finale nous indique que l'on est face à un rhum détente, à servir à l'apéritif, pourquoi pas "on the rocks" ou en cocktail. Disons qu'avec son nez charmeur il promet un peu plus que ce qu'il nous offre.

La dégustation des grands classiques de la maison m'a permis de parfaire ma culture bien que la dégustation fut rapide. Voici tout de même quelques impressions :


Le nez du XO est beaucoup plus saisissant que celui du Black Barrel. Cet assemblage de rhums de 7 à 15 ans propose un nez très épicé et profond. Le boisé se mêle aux fruits secs grillés. Il y a tout de même une certaine brûlure de l'alcool qui met un peu de temps à se dissiper.
La mise en bouche est fidèle au menu, épicée, un peu fumée avec une finale très soyeuse et délicate, on s'aperçoit tout de suite qu'il y a plus de travail du temps.


Enfin le 1703, assemblage des rhums les plus vieux de la maison (10 à 30 ans) propose un nez encore plus imposant. De la vanille, un boisé poivré et une complexité vraiment au dessus de ses prédécesseurs avec cette fois ci du fruit, de la banane, des épices douces, des fruits rouges, superbe sensation de maturité.
En bouche c'est un fruité exotique qui domine et qui déroule sur une finale assez épaisse.



Enfin en partant j'ai pris une photo de ces petites bouteilles discrètes qui n'ont pas été abordées en master class, les Charred Cask et Virgin Cask, présentées par paire (375ml chacune) en coffret. J'ai trouvé peu d'informations après coup sur ce coffret, j’espère que cela fera l'objet d'une autre rencontre.








Merci à Charlotte Perdrieux (SoWine) et Miguel Smith de Mount Gay pour ce petit point culture :) Et à bientôt avec Mount Gay car la rumeur dit qu'une version brut de fût (63%) de leur XO apparaîtrait à la fin de l'année.