Les débuts de la Renaissance Distillery
Avec un climat tropical, un terroir, le cycle des saisons et plus de 400 sortes de canne indigène, nous avons nous aussi de bonnes bases à exploiter.
Et puis surtout, Taïwan est un pays qui ne produit pas de rhum mais qui a toutes les cartes pour le faire, un peu comme si la France ne produisait pas de vin.
Le terroir de la distillerie
La culture est mono-variétale, avec une souche indigène et endémique qui porte le code F (comme Formose). Cette variété compte 400 espèces, et la F10 est celle qui a été retenue ici. Cette canne est appréciée pour sa teneur en sucre, mais aussi en canne de bouche. C'est une canne blanche, résistante naturellement, car le sol cultivé n'a reçu aucun intrant pendants des années. Aucun pesticide, herbicide, fongicide n’est utilisé.
Les fermentations
La distillerie dispose de deux alambics
Un chai riche et varié
- 30 "ex-pourriture noble" française de premier remplissage. La pourriture noble est un champignon qui concentre le sucre dans le raisin, et qui donne des vins avec des sucres résiduels comme les sauternes, les jurançon, ou les coteaux-du-layon.
- 10 "ex-pourriture noble" française de deuxième remplissage.
- 25 "ex-pourriture noble" française de premier remplissage « rajeunis », auxquels on a appliqué un procédé « STC » (Shaving, Toasting, Char = rasage ou épluchage, chauffe, bousinage).
- 17 ex-sherry butts d’oloroso issus de solera, premier remplissage.
- 11 fûts neufs de chêne japonais Mizunara de 450 litres, issus d’une seule forêt d’Hokkaido. Ces fûts sont célèbres et appréciés dans le whisky japonais. Ils contiennent des sucres naturels bien spécifiques, développant des arômes prononcés de coco et d’encens.
- 14 fûts neufs du Limousin de 350 litres.
- 76 fûts neufs de chêne américain de 200 litres.
- 50 ex-bourbon de chez Buffalo Trace de 200 litres, premier remplissage (en cours).
Single Cask 2016 - Fût de sherry - 60%
Taïwan devrait être sur la carte des rhums depuis maintenant plus de 60 ans.
Passons à la dégustation :
L’aération laisse apparaître une cire d’abeille extrêmement gourmande, dont le miel tient naturellement la main aux fruits suintants de sucre. Ensuite s’installe un registre plus soufré, minéral, entre la pierre à fusil et le bois brûlé. La cire d’abeille domine toujours et équilibre tout cela avec une certaine élégance d’épices douces.
En bouche, l’attaque est ronde mais concentrée, et les notes soufrées sont les premières à apparaître. Un éclair de canne ronde et confite se présente ensuite et continue d’enrober le palais. Le bois prend la parole, il est sombre, profond, mais suffisamment fondu et tendre pour nous suggérer un côté cacao. Le vieux chêne toasté porte des notes de noix grillées, de caramel, d’amandes, de nougatine.
La finale est ronde, et le rhum a rassemblé tous ses arômes dans un tabac blond bien gras. Quelques notes de vesou et de zeste de citron vert subsistent dans la longueur.
La complexité et la concentration de ce rhum sont remarquables, d’autant plus compte-tenu de son relatif jeune âge. On comprend que l’expérience en vin du distillateur l’a guidé dans le choix des meilleurs fûts et dans l’élaboration de ce joli rancio.
Notons que la canne n’est pas vraiment au centre des débats, ce qui pourrait en décevoir certains. Pour ma part, je me suis laissé bercer par un nez aussi élégant que gourmand, et par une bouche très ronde. Je regrette peut-être simplement un milieu/fin de bouche qui manque un peu du mordant que j’attendrais d’un rhum brut de fût.
EDIT du 13 janvier 2024
J’ai depuis eu la chance de pouvoir déguster d’autres rhums de la distillerie, dont certains sont désormais distribués en Europe et en Grande-Bretagne. Je vous laisse découvrir ces quelques notes de dégustation (spoiler : c’est toujours aussi bon !!) :
19092 Pineau Blanc 67%
Le premier nez est celui d’un grand arôme frais, fruité et
floral, avec une belle vivacité. Au lieu des notes organiques et crémeuses
propres au style, on trouve un profil acidulé, un bonbon complexe de mélasse et
de canne.
Avec un peu d’aération, les tanins de fruits rouges et noirs
pris dans le vernis amènent davantage d’accroche. On trouve alors une belle
gourmandise de noyau, de griotte, de vieille eau-de-vie de cerise. Les mûres et
le sorbet de fruits rouges laissent peu à peu la place à des fruits confits
patinés de résine, qui viennent se poser comme un baume sur un boisé tout à
fait apaisé.
En bouche, l’attaque surprend par sa douceur, tant elle est
amortie par une jolie vanille cirée. Les fruits rouges et noirs confits
prennent le relais, avec une certaine acidité équilibrée par une texture
grasse. Ces fruits se séparent peu à peu de leur enveloppe huileuse, pour un milieu
de bouche plus astringent. On retrouve alors les fondamentaux du grand arôme,
avec des fruits exotiques extrêmement mûrs soulignés par quelques gouttes de
saumure d’olive.
La finale est très longue, légèrement brûlée, avec des tanins fruités de chêne français, du cuir, de l’olive et des fruits exotiques fermentés. Dans la longueur, on finit par profiter d’une pomme aux accents de vieux cidre.
18256 American Alligator 65%
Le nez se pose sur un rhum moelleux, tendre, doucement
épicé, équilibré par la fraîcheur des tanins du bois et d’un côté végétal
presque résineux. Ces tanins se fondent rapidement et se teintent de baies de
cassis, puis de raisins, pour enfin nous donner une impression plus huileuse et
pâtissière.
L’aération évacue définitivement les notes les plus
tanniques, pour laisser place à un boisé fondu, gorgé d’amande verte, d’amande
amère, et ciré à l’encaustique. Une certaine douceur d’aromates souffle
également sur le verre, et l’on pense à une brise parfumée de sauge et de
romarin.
La bouche est très douce, avec des aromates veloutés qui
caressent le palais. La concentration fruitée semble en quelque sorte assez
lointaine, intacte mais plus en retrait, avec un petit creux de texture en
milieu de bouche. Les tanins et leur petite acidité reprennent ensuite le
flambeau, pour une finale fruitée et oxydée qui nous emmènerait du côté d’une
sorte de Calvados tropical (?!).
Dans la longueur, une douceur pâtissière faite de noyaux et d’amande amère s’installe pour un long moment.
18291 Oloroso 65%
Au nez, on a tout de suite affaire à un rhum mature,
profond, aux accents de réglisse soulignés par une torréfaction douce. Le bois
toasté et les fruits à coque dirigent naturellement la suite, avant que des
notes de fruits plus concentrés n’introduisent un registre grand arôme.
Avec un peu de temps et d’air, le rhum gagne une coloration
plus sombre et plus profonde, avec des tanins épais de baies rouges et noires.
Le café vient appuyer cette atmosphère plus opaque, avec une mélasse elle-aussi
bien noire et profondément réglissée.
En bouche, l’attaque est très douce, et démarre sur un café
noir un peu sucré. Très rapidement, les céréales toastées prennent la main pour
nous emmener à une sorte de réunion de spiritueux où seraient convoqués le
whisky, le bourbon et même la tequila, voire le mezcal. En effet, cet
assemblage de notes maltées, végétales, fumées, presque tourbées, est
saisissant et occupe l’esprit durant un long moment.
C’est en finale que l’on retombe sur nos pattes et que l’on retrouve notre rhum funky, teinté de fruits exotiques très mûrs, de cuir et d’olive en saumure.
18033 PX 63,5%
Le nez est doux et miellé, avec un boisé serti d’épices
douces et une petite pointe d’alcool qui chatouille encore un peu. La fève
tonka et les épices pour curry assaisonnent des fruits mûrs tout à fait
civilisés, pour un caractère crémeux et pâtissier aux reflets de lait de coco.
L’aération achève complètement la fonte du rhum, qui se
présente maintenant avec une belle rondeur et un côté définitivement lacté. Le
bois blanc, les fruits à coque gras, le nougat, la vanille, la noix de
coco, tout concourt à nous dessiner un petit nuage pâtissier.
La bouche est très ronde et doucement épicée, avec une
vanille parfumée qui donne tout de suite le ton. La fève tonka prend ensuite
les rennes, et s’étale de manière très savoureuse, pour une entrée en matière à
la sensation particulièrement plaisante. Tout continue ensuite de se passer en
douceur, avec du tabac blond, du bois tendre, des aromates légers et pâles, du
lait d’amande et de coco.
La finale nous offre les saveurs d’un jus de canne cuit doucement et bien rond, avec un umami délicieux.
18058 Mizunara Alligator 63,5%
Le
nez est ample et aromatique, avec un fruité très mûr, tropical, et des notes
profondes de fermentation. Mais il se présente aussi sous un jour crémeux,
vanillé, avec un air doucement pâtissier. Il nous emmène dans une flânerie
exotique et humide, languissante, presque fiévreuse. L’horizon s’assombrit
cependant le long de ces instants de songe, et des arômes plus sombres et
torréfiés s’installent calmement.
L’aération
révèle un rhum huileux et sucré comme un sirop de jus de canne. On découvre
alors un profil étonnant, rondement végétal et pâtissier, comme ce que l’on
peut parfois retrouver en Guadeloupe. En profondeur, on côtoie des notes
animales de cuir, ou encore une sauce soja concentrée, du sirop de batterie ou
d’érable.
La
bouche est très gourmande et étonne par sa facilité d’accès. Le rhum est rond,
concentré et ample, et semble détailler une mélasse tendre, encore très proche
du jus de canne. En fondant en bouche, il déploie des saveurs de nougat,
d’amande douce, d’orgeat, de canne mûre et confite. Le chêne moelleux prend
très naturellement le relais, développant quant-à-lui des notes de tabac blond,
d’épices douces, de fruits à coques gras, de caramel au beurre.
La finale est ronde, doucement végétale et confite, avec une légère touche de zeste d’agrume qui lui donne un air surprenant de rhum de purs jus.
19145 Deuxième Cru Classé 64,7%
La concentration qui se dévoile dès les premiers instants
signe encore une fois la présence d’un grand rhum. Les tanins en imposent,
certes, mais c’est bien leur ampleur et leur richesse qui les sert à cet
instant. Ils sont en outre couverts d’une confiture riche et complexe, emplie
de pêche, de coing et de baies noires et rouges.
À l’aération, le rhum se débarrasse d’une petite pointe de
soufre que l’on n’avait pas entrevue jusqu’ici, et qui ne fait donc que passer
brièvement. Pendant ce temps, la confiture s’est concentrée dans la marmite de
cuivre, les tanins y ont entièrement fondu, et l’on se retrouve avec un
concentré de rhum vieilli que l’on imaginerait presque solide.
La première approche en bouche est également habitée par un
fût de vin légèrement soufré, qui laisse place à un bois bien carbonisé sur
lequel on aurait appliqué un baume de mélasse et de tapenade d’olives. Autant
dire que la concentration, l’intensité et la gourmandise sont au rendez-vous, d’autant
que le baume est bientôt remplacé par notre confiture désormais presque brûlée
tant elle a réduit les sucs de ses fruits.
La finale est longue, grâce à des tanins qui tutoient la banane verte et qui deviennent peu à peu une huile de pépins de framboise.
18260 Fino 62%
Le nez nous montre un caractère plutôt « intériorisé »,
dense mais légèrement sur la réserve. L’on imagine aisément une très vieille
eau-de-vie qui retrouve la lumière et qui a besoin de quelques étirements pour s’extraire
de sa couverture de rancio et sortir du confort de son vieux fût.
Après un peu de repos et d’aération, l’on découvre un rhum
très doux, velouté, dont les angles ont été patiemment arrondis par la
maturation. Il ne manque pour autant pas de caractère, avec ses fruits exotiques
plus que mûrs et confits, sa crème pâtissière aux raisins imbibés de grand
arôme et son lait de sauge.
La bouche est d’abord très typique de la famille des grands
arômes, avec une grande envolée de fruits tropicaux très mûrs, si mûrs qu’ils
sont tombés au sol et que la fermentation leur confère une vive acidité mêlée de
saveurs exotiques irrésistibles. Le fût de chêne apporte quant à lui une vague
veloutée qui s’immisce dans notre verger tropical, y accrochant ici et là des
notes de noyau, de noix, de tanins de baies noires.
La finale est imprégnée de ces noyaux aux abords grillés, mélassés et légèrement salés.
19064 Amarone 71,1%
Le nez nous fait prendre la mer avec la Navy britannique,
entre les Fiji et la Jamaïque. Voici une grosse bombe aromatique au fruit bouillonnant
et éclatant, dont les effluves se vaporisent au contact d’un cuivre brûlant. Ce
rhum au caractère vrombissant porte aussi quelques nuances huileuses, entre la
graisse de moteur et l’essence de noix.
Avec le repos apparaissent des fruits plus frais, moins
exotiques, qui nous ramènent dans nos vergers du sud de la France. Les nectarines
sont à portée de main, leur chair blanche et juteuse s’enivre de parfums
fleuris, avant de rejoindre quelques prunes trop mûres tombées au sol.
En bouche, quelle bombe ! La vie de ce rhum défile sur
nos papilles, depuis les feuilles tendres de la canne jusqu’au rancio du
vieillissement, en passant par une mélasse lourde et épaisse, par sa
fermentation au goût aigre / doux, de plus en plus acide et puissant, puis le
contact avec le bois brûlé, ses fibres profondes et tanniques. Quel voyage !
La finale est plus tranquille et gourmande, la tarte aux noix de pécan est servie et accompagnée d’une bonne crème glacée à la vanille et aux fruits confits.
18047 Islay Peated 65,8%
Aucun doute sur le fût qui a abrité ce rhum, car les premiers
arômes qui nous parviennent sont typiquement et doucement fumés, végétaux, avec
une nuance de cendre ou d’ardoise. L’ambiance écossaise est cependant vite recouverte
par une épaisseur chaude et humide, ainsi la fumée continue de courir dans un
sous-bois tropical où les mousses sont quelque peu caramélisées.
L’aération libère encore un peu de fumée de tourbe, et cette
fois le whisky prend franchement la main. La minéralité de la cendre apporte de
la netteté et de la fraîcheur à ce rhum au cœur rond et fondant qui pencherait sans
cela volontiers vers le caramel aux épices douces.
L’entrée en bouche est d’une douceur irrésistible, et l’on fond
totalement avec le rhum, désarmé que l’on est. La fumée de tourbe et le caramel
au beurre à la vanille se sont complètement harmonisés et ne font désormais
plus qu’un. Cette douceur prend tout son temps pour traverser le palais, pour
notre plus grand plaisir. Quelques fruits à coque toastés se sont aussi invités
et ont eu la bonne idée de s’imprégner de fumée tourbée.
En finale, le rhum semblerait presque sucré, tant sa rondeur
enrobe les papilles pour les envahir de saveurs réconfortantes.
18102 Cognac 64,4%
Au
nez, c’est la concentration de ce rhum qui frappe dans un premier temps. La
générosité du distillat, dont on devine le style grand arôme, est absorbée,
digérée et magnifiée par un fût de chêne ferme mais exempt de tanins ou d’un
trop plein de torréfaction. L’équilibre et la conversation entre ces deux
forces sont admirables.
Avec
l’aération, le boisé se fait plus imposant, plus volontaire, provoquant une
certaine étincelle de fraîcheur épicée. Il introduit quelque chose de plus
végétal, qui rappelle parfois les arômes réglissés de la mélasse, mais aussi la
concentration d’aromates frais et résineux, comme le romarin. Avec un peu de
temps, l’on apprécie une complexité qui ne cesse de se développer, et qui fait
affleurer les noyaux des fruits.
La
bouche offre bien la concentration annoncée au nez, avec une cohérence et
une unité remarquables. Sur le fil, ciselés, se succèdent le chêne grillé, les
fruits exotiques très mûrs, les fruits confits, les aromates, la canne, les
épices douces, etc, etc, sans relâche. Un léger aspect cuivré teinté de poire,
ainsi qu’un boisé si tendre qu’il en devient céréalier, évoquent un instant le
whisky, puis les aromates et les plantes résineuses nous ramènent à une mélasse
mâtinée de saumure.
La finale est longuement savoureuse, dans un registre vivement pâtissier où les vibrations des noyaux de cerise résonnent sans fin.
18089 Noble Rot STC 64%
Le nez nous transporte sans attendre au milieu d’un
chai chargé du genre de vapeurs dont les anges se régalent. Il y règne une
certaine humidité, dans laquelle les arômes de fûts de chêne se dispersent
doucement. Dans cet air épais, gonflent des raisins et des pêches pris dans une
gaine de tabac blond.
Avec l’aération, les fruits continuent de s’égailler
joyeusement et sans discontinuer. Une petite pointe de réglisse bien concentrée
vient montrer le bout de son nez ; elle resserre les rangs et apporte un
peu de rigueur et d’élégance à notre panier de fruits rigolard. Pour parfaire
ce cadre, un boisé tendre et chargé d’épices douces vient embrasser l’ensemble.
La bouche est confiturée à souhait, avec des
mirabelles, des pêches, des abricots, des coings, qui se voient bientôt secoués
par une traînée de poudre prête à s’enflammer. On distingue son côté minéral,
cuivré, légèrement brûlé, qui va ensuite faire ressortir toute la gourmandise
du bois. En effet, la flamme passée sur le chêne permet d’exprimer de belles
envolées de fève tonka, de vanille, de cannelle, dans une fibre de bois
moelleuse et même crémeuse. Une certaine douceur végétale s’exprime également,
frôlant la sauge et la canne à sucre fraîche.
La finale est élégamment épicée, la torréfaction développe des nuances de cacao et de café, puis se fond en une pâtisserie qui ne quitte plus le palais.
18035 Bas-Armagnac 63,2%
Au nez, on rencontre un rhum grand arôme bien mûr et
largement confit, qui semble faire beaucoup plus que son âge. Les fruits
exotiques sont pris dans un miel de printemps bien doré, qui a capturé tout le
soleil et l’exotisme de son île natale.
L’aération nous met face à une concentration saisissante, où
les fruits arborent un air plus sérieux et intense. Oublié le grand arôme, on
retrouve notre texture de miel de printemps qui prend désormais des airs de
sucs de fruits du verger bien collants. Le rhum continue ensuite de développer
sa complexité, entre boisé fondu, épices douces et lait végétal.
En bouche, les fruits exotiques très mûrs développent une
petite acidité typique lors de l’attaque. Cette acidité est corroborée par
quelques citrons confits au sel, qui nous emmènent à leur tour vers la saumure
d’olive verte. Le chêne fondu vient rapidement tempérer les ardeurs des fruits,
leur apportant un baume d’épices douces et de mélasse réglissée. Ses tanins
sont légèrement cuivrés, comme des noyaux de cerises ou des baies noires aux
pépins bien vifs.
La finale est poivrée, torréfiée et délicieusement
boisée, avec des fruits séchés et des noyaux qui se développent dans la
longueur.
EDIT du 13 janvier 2024
Cette année 2024 aura encore une fois été riche en dégustations, et par bonheur la distillerie Renaissance ne chôme pas et continue d'embouteiller à un rythme soutenu tout en élargissant l'éventail de son chai, habité par de très jolies curiosités comme le chêne russe, l'un de mes préférés de cette session. La variété des profils est toujours là, tout comme la solidité et la qualité du distillat qui font office de fil conducteur ; un régal qui devient en outre peu à peu accessible sur différents continents, nous serons donc de plus en plus à être dans la confidence !
18273 Pineau Rouge 59%
Le premier nez nous offre un voyage en campagne charentaise, où l’on pénètre dans un chai typiquement recouvert de velours noir. Les barriques sont gonflées de notes généreusement fruitées et sucrées, qu’elles viennent piqueter d’épices complexes et élégantes.
L’aération laisse s’installer des notes définitivement fruitées, compotées et même confiturées. L’on imagine un rhum collant, concentré, glissé dans un écrin fait de cuir et de pâte de fruit intense.
En bouche, c’est avec l’aide d’une petite acidité que le rhum s’immisce et prend ensuite ses aises sur le palais. C’est alors qu’il gagne en épaisseur et qu’il se montre particulièrement confituré et fruité, comme un sirop bien réduit dans une marmite de cuivre et enrichi d’essences exotiques de bois et d’épices roussies.
La finale est habitée par la pâte de coing, la confiture de goyave, avec une petite amertume de pépin de framboise et des noyaux qui s’installent dans la longueur.
19038 Calvados 67,2%
C’est une sorte de végétal moelleux qui accueille notre nez dans les premiers instants, comme une paille épaisse et confite, une herbe grasse et sucrée à la fois. Sous la paille se cache un panier garni de pâtes de fruits bien concentrées, huileuses et même légèrement goudronnées.
Avec un peu d’air, un souffle frais et cuivré à la fois vient invoquer à nouveau ce côté goudronné, huileux, mais en lui apportant une nuance oxydée et rustique qui évoque le cidre fermier.
La bouche est très ensoleillée et s’épanouit grâce à une texture grasse qui s’empare en douceur du palais tout en montant progressivement en intensité. La pomme oxydée se manifeste tantôt par sa peau, dont on ressent la texture au grain fin qui entre en résonnance avec les tanins du chêne, tantôt par sa chair acidulée et garnie de pépins qui vient enrichir un distillat déjà empli de fruits.
En finale, on retrouve de nouveau ce côté huileux, proche d’un registre industriel, d’un atelier de garage. Main dans la main avec le calvados, il se lie en un sirop délicieusement caramélisé et salé dans la longueur.
20168 Bourbon WLW 65,9%
Voici un profil plutôt familier, que l’on a l’impression d’avoir déjà croisé à maintes reprises, plein de bois blanc, frais et gras. Pourtant il ne faudra attendre que quelques instants pour être saisi par la surprise que nous réserve ce rhum, qui s’ouvre comme une fleur aux larges pétales blancs, dévoilant des fruits délicats au miel de printemps.
L’aération continue d’ouvrir le rhum, qui se déploie maintenant en arômes d’agrumes acidulés et amers (orange sanguine, bergamote). Les écorces de ces fruits prennent de la place et d’installent avec le temps, apportant alors une belle élégance.
En bouche, comme au nez, la première impression donne le sentiment d’être en terrain connu, avec ce boisé gras aux nuances de sauge, d’où semble s’écouler la sève blanche et végétale d'un figuier. La puissance du rhum vient apporter une bonne chauffe en milieu de bouche, avec quelques nuances cuivrées et fumées qui se fondent ensuite en confitures diverses et concentrées, la goyave et le sureau en tête.
La finale revient au cœur du distillat, avec un grand arôme à la façon jamaïcaine, gorgé de fruits mûrs, de saumure et de résine aux accents crémeux et pâtissiers qui semblent ne jamais se décider à quitter le palais.
20176 Bourbon WLW 71,1%
Le nez se montre d’abord relativement sombre, sérieux et intimidant. Il se pare très vite de reflets intenses de fruits à noyaux à l’eau-de-vie, de cerises griottes, d’amandes amères, puis de résine et de bois frais. On navigue alors entre un jeune fût de chêne dont on découvre la chair nue, et un vieil alcool au rancio envoûtant. Captivant !
L’aération et le repos laissent place à des tanins aux nuances médicinales, mais apportent aussi une légère touche métallique, évoquant l’inox de la cuisine d’un restaurant traversé par des arômes de fruits de la passion acidulés, de mangues vertes, ou de bourgeons au cœur résineux.
La bouche est puissante et massive, tout comme la gourmandise qu’elle délivre dès l’attaque. Le rhum colle au palais à la manière d’un caramel que, trop impatient, on aurait dégusté avant qu’il ne refroidisse. Une deuxième vague vient prendre le contrôle et déglacer le palais avec un caractère plus sec, étonnamment teinté d’eau-de-vie de marc et donc de notes végétales un peu plus tendues.
La finale voit l’ensemble se détendre à nouveau, et succomber à la gourmandise d’un fût de chêne plein de vanille et de noix de coco grillée, le tout étant entretenu dans les grandes longueurs par un grand arôme à l’olive tenace.
18045 Russian Oak / Noble Rot 71%
Dès le départ, ce rhum se présente comme l’un des plus lourds que j’aie pu découvrir en provenance de cette distillerie. Le grand arôme plus que lacté, et même joyeusement crémeux, est enrichi de caramel au beurre ; les fruits sont à la fois passés et acidulés, comme de lourdes mangues tombées au sol depuis un bon moment.
Le rhum ne faiblit pas avec le temps, mais ses notes les plus pâtissières viennent se poser sur les bords du verre pour former un biscuit croquant aux épices, aux fruits à coque caramélisés, à la mélasse, avec une pointe de sauce soja foncée et une touche de bois carbonisé.
En bouche, la gourmandise est immense et prend la forme d’un énorme toffee gonflant et battant sur nos papilles. Ce grand caramel au beurre est servi par une puissance non négligeable, ainsi l’ensemble nous submerge d’une grande vague de bonheur régressif.
La composante salée fait son chemin en fin de bouche, où la sauce soja foncée semble allègrement glacer une viande grillée et laquée, aux sucs caramélisés. Le rhum est désormais un nappage exagérément gourmand, dont le cœur fruité et exotique revient dans la longueur en appelant immanquablement une autre gorgée.
Grand Assemblage 5ème édition : Bourbon 2020 / Oloroso 2016 64,7%
C’est une petite nougatine craquante et collante qui passe d’abord sous notre nez, et qui nous invite à une balade gourmande. On se rend rapidement compte qu’elle est emballée dans un papier fait d’herbes aromatiques, fraîches et colorées, qui font une passerelle avec un bouquet d’épices boisées. Une petite touche soufrée nous imprime une image vineuse, avant de se dissoudre en tabac, cacao et fruits à coque.
L’aération soulève des notes de pain grillé que l’on suit jusqu’à trouver des arômes d’orge et de sésame torréfiés, légèrement salés, tout bonnement irrésistibles. On ne résiste plus à la tentation de poser les lèvres sur ce liquide aux allures de nougatine au beurre salé.
Voici une bouche complexe qui tourne vite les pages et qui fait défiler une histoire centenaire en un instant. Il faut rapidement une deuxième approche pour tenter d’attraper quelques notes au vol : fruits exotiques très mûrs, soufre, noix de pécan grillée et caramélisée, jus de viande, mastic, amande douce… tout ceci s’enchaîne dans une harmonie déconcertante qui réussit à conjuguer complexité et fluidité.
La finale allie un côté goudronné à un autre plus soufré, pour enfin produire une mélasse extrêmement noire, à la réglisse tendue et saline qui s’imprime durablement sur les papilles.