Les vieux galions de La Compagnie des Indes ont de nouveau jeté l'ancre dans les ports Français et viennent ajouter une flopée de nouvelles références à une gamme déjà très fournie.
Bien sûr seuls les blends (assemblages) Caraïbes, Latino, Jamaïca et Jamaïca Navy Strength restent en permanence disponibles, les Single Cask (Fût unique) étant forcément voués à disparaitre plus rapidement puisque de fait leur tirage tourne en général autour des 300 bouteilles. Mais la Compagnie ne nous laisse jamais en plan grâce à ces sorties régulières. Pour les fans, des éditions spéciales sont réservées à d'autres marchés comme le Danemark par exemple. Elles deviennent des perles rares et les proies des chasseurs de belles quilles. Pour vous donner une idée de cette diversité et voir comme on se perd déjà dans la foule de bouteilles qui ont été proposées par la jeune marque née en 2014, jetez un œil à l'excellent site de recensement (et pas que) Référence Rhum : http://www.reference-rhum.com/Compagnie-Des-Indes
Toutes ces bouteilles sont nées de la volonté du créateur de la marque de montrer toute la diversité du rhum, en essayant de retranscrire dans les choix proposés les caractéristiques propres à chaque origine et même à chaque distillerie de cette origine. C'est pour cela que ces single cask ne sont en aucun cas altérés (ni sucre, ni coloration, ni arômes ajoutés), simplement réduits au besoin par les soins de la Compagnie. Avec cette volonté viennent celles d'éducation et de transparence car sur les étiquettes figurent les informations primordiales que sont les dates de distillation et d'embouteillage ainsi que la distillerie d'origine.
Si je peux émettre une petite suggestion, le top serait d'indiquer le nombre d'années de vieillissement tropical puis de vieillissement continental afin d'apprécier l'influence de ces paramètres en comparant par exemple deux bouteilles de la même origine qui auraient subi des étapes de vieillissement différentes.
Il y a aussi de la diversité dans les choix d'embouteillages (blends, single cask, bruts de fût, finitions etc) et dans les sélections très rares sous nos latitudes comme le single cask Indonesia qui est en fait un Batavia Arrack, un rhum de mélasse distillé en alambic à repasse sur l'île de Java pour lequel on utilise une variété de riz rouge afin de démarrer la fermentation. Ce Batavia Arrack est également utilisé dans le nouveau blend Tricorne, ce qui vient ajouter la corde de l’expérimentation à l'arc des passionnés de la Compagnie, quel boulot depuis 2014 !
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Crédits photos : http://www.excellencerhum.com et http://compagniedesindesrum.com
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En guise de mise en bouche nous allons goûter un blend CARAÏBES (40%). Composé de 25% de rhum de la Barbade (colonne vertébrale du rhum), 50% de Trinidad et 25% de Guyana. Ici pas de fût unique mais un assemblage de rhums "en vrac" réalisé en France.
Le nez est plaisant, léger et s'ouvre sur de la mélasse, des épices (vanille, cannelle, girofle, poivre doux), un boisé légèrement toasté. Un peu d'alcool vient ensuite, fruité, qui fait penser à une confiture de fruits rouges (cerise, fraise, framboise). A l'aération il se fond en caramel, confiture de lait, et m'a rappelé la sensation du beurre fondu sur un épi de maïs grillé.
En bouche c'est très rond et gourmand, pas forcément complexe, il est à noter que 15 grammes de sucre de canne bio ont été ajoutés à chaque litre. On a ensuite de la banane et un caramel un peu brûlé. La vanille prend nettement le pas et nous mène à une longueur un peu poivrée, pas de brûlure de l'alcool mais un goût un peu éthéré persiste.
Ce rhum est une introduction à la gamme, il est facile et rond mais on a envie d'aller plus loin.
Avant d'aborder les single cask, voici une création tout à fait intéressante :
DOMINIDAD 15 ans Small Batch (43%)
Il ne s'agit pas d'une nouvelle île ni d'un territoire pirate oublié mais d'un assemblage d'un fût de République DOMINIcaine et de deux fûts de TriniDAD (Trinidad Distillers Ltd) qui sort à 1205 bouteilles. Pour la petite histoire La Compagnie des Indes devait embouteiller le fût de République Dominicaine
seul mais au moment de le réduire pour le mettre en bouteille, ils l'ont trouvé trop sec et bien trop épicé, ils ont donc décidé de créer ce
premier small batch, réalisant un assemblage avec un rhum
plus en rondeur (les fûts de Trinidad étaient très ronds, sur le
fruit.).
Le premier nez de ce rhum est assez classique, rond, sur le caramel, la mélasse, la cannelle, il est légèrement confit, miellé, flatteur, on pourrait dire que l'on est plutôt sur la partie dominicaine.
Quelques tours de verre viennent chambouler tout cet équilibre, le rhum se durcit nettement, il est beaucoup plus vif, floral, poivré, puis fumé. Cette révélation surprend et suscite l’intérêt, et cela continue avec un côté métallique qui devient pétrole, goudron, graisse de moteur. J'apprends à cette occasion que ces arômes ne sont pas réservés qu'à Caroni et font vraiment partie de l'identité Trinidadienne. Cela s'apaise peu à peu et se transforme en pâte de coing, puis avec une longue aération un côté acidulé apparait, pour arriver ensuite sur des notes de réglisse, herbacées, médicinales. Le tout finit par s'arrondir à nouveau et laisse apparaitre du boisé.
C'est un rhum qui a besoin de temps pour arriver à l'équilibre, mais on aime être chahuté pendant le voyage !
C'est un rhum qui a besoin de temps pour arriver à l'équilibre, mais on aime être chahuté pendant le voyage !
L'entrée en bouche quant-à elle est assez douce, on reste sur un esprit whisky, salé sur le bout de la langue. Ensuite il y a toujours une petite pointe métallique, puis herbacée et enfin de la chaleur avec des fruits cuits, du pruneau, de la réglisse.
La longueur est assez jolie, on pense à un whisky fumé agrémenté de réglisse.
J'ai aimé sa complexité, ses phases successives, le mariage est intéressant et je le conseillerais plutôt en digestif car il marque bien la bouche.
Démarrons la série des single cask avec le BRAZIL 16 ans (Oct 1999 - Avr 2016) 42%
Ce rhum est issu de la distillerie Epris, près de São Paulo, producteur de cachaça, de rhum mais aussi de riz fermenté en tant que matière première pour le vinaigre et le saké.
S'agit-il d'une cachaça ou d'un rhum ? Eh bien c'est à vous de voir car cela est assez compliqué au final. On m'a indiqué qu'il s'agissait bien d'une cachaça mais je me suis quand même posé des questions, non pas que je mette en doute la bonne foi de l'embouteilleur, mais parce que la définition de la cachaça est parfois un peu floue.
Je pensais que la cachaça était forcément issue d'une distillation de pur jus de canne en une seule passe en alambic, mais il existe des cachaças distillées en continu (en colonne), à partir de pur jus ou de miel de canne (pur jus réduit). On peut alors généraliser et décider que tout ce qui vient du Brésil est une cachaça. Ou alors on peut se rapporter à des données plus techniques comme le taux d'alcool en sortie de colonne qui en théorie ne doit pas dépasser les 54% pour la cachaça. Tout ce qui serait distillé au-delà de ce taux l'alcool serait alors du rhum. Un Brut de Fût de 13 ans à 47,7% est sorti chez l'embouteilleur L'Esprit il y a quelques temps. S'il a vieilli en majorité en climat continental avec une petite part des anges alors peut-être que le distillat de base ne comptait pas plus de 54% d'alcool. Alors allons pour la cachaça, surtout qu'il ne s'agit pas d'une question de valeur ou de noblesse entre les deux eaux-de-vie de canne.
Ce Brazil est très original et singulier, c'est mon préféré de la série.
Au départ son nez est assez jeune, avec un boisé plutôt vert et végétal avec des épices comme l'anis, le curry, la cardamone et la muscade. Ces épices sont vives et fraiches et sont vite rejointes par le bâton de réglisse et la menthe poivrée. Quelques notes herbacées s'en suivent et laissent place à un boisé je dirais "à la Reimonenq", sur le noyau de cerise qui tire sur l'encaustique. Ce nez est superbe, très vivant, à l'ouverture on a de l'ananas bien frais, de la canne et de l'écorce d'orange. J'ai passé un bout de temps au dessus du verre, à l'affut de tout ce que ce nez frais, riche et vif pouvait proposer, puis me suis finalement décidé à y tremper les lèvres.
L'entrée en bouche rappelle le joli boisé évoquant le noyau de cerise avec du pruneau et de la réglisse, réglisse qui finit par prendre beaucoup de place tout en restant fraiche, faisant penser au bâton que l'on machouille plutôt qu'à la sucrerie enroulée. Décidément on a du mal à se départir de cette réglisse car on pense ensuite tour à tour au zan puis à l'antésite, où se mêlent menthe et autres plantes.
Le final est moyennement long, dépouillé de toute cette réglisse, reste un goût agréable de rhum tout simplement.
Direction la Jamaïque maintenant avec le HAMPDEN 15 ans (Sep 2000 - Avr 2016) 43%
La distillerie Hampden est l'une des trois seules distilleries au monde (avec Savanna sur l'île de la Réunion et la sucrerie du Galion en Martinique) à produire du rhum "grand arôme", c'est-à-dire un rhum de mélasse fermenté spécialement et plus longtemps que les autres afin de développer une concentration extrême d'arômes. Ils sont destinés à booster le caractère des assemblages de rhums, à l'agro-alimentaire (vous voyez le goût de la glace rhum-raisin ?) et même à la parfumerie.
Ici pas de grand arôme mais un rhum tout de même généreux, sans le côté vernis que l'on retrouve dans beaucoup de Jamaïcains.
Le premier nez est plutôt léger dans le sens peu profond. Il est cependant intense avec des premières vapeurs d'alcool habillées de banane et d'ananas. Un registre plus confit entre ensuite en scène avec des fruits secs, du raisin, des fruits confits. Il offre une palette assez complète avec des notes subtiles de canne, une légère olive, un bois humide, les parfums se développent et deviennent de plus en plus gourmands, avec de la pâte d'amande. L'équilibre du registre confit et de la canne s'établit, la force alcoolique est bien réglée, pas de brûlure, c'est top !
Il évolue sur quelque chose de très sucré, bubblegum, sucre d'orge ou encore pomme d'amour et finit par s'épaissir, devenant plus tropical encore avec de la papaye très mure et un ananas flambé.
En bouche on a de l'épaisseur aussi, on pense à une eau-de-vie de prune, un mélange de fruits exotiques. Un goût de tabac s'installe sur les papilles et on sent un léger fumé, un bois bien brulé en milieu de bouche.
La finale, moyennement longue, s'étale sur les fruits à coque torréfiés, le café, toujours ce côté brulé, sucré comme une barbapapa et laisse une certaine amertume qui accroche un peu comme une petite peau de cacahuète grillée.
En résumé voila un rhum bien gourmand, sans le côté extrême souvent associé à la Jamaïque, la réduction à 43% a été très bien effectuée à mon avis, le résultat étant suffisamment complexe et plaisant.
Il existe déjà énormément d'embouteillages de rhums du Guyana mais il faut bien dire qu'on ne s'en lasse pas ! Pour notre plus grand plaisir, messieurs dames, non pas un mais deux Demerara !
Tout d'abord un DIAMOND 12 ans (Déc 2003 - Avr 2016) 45%
Ce rhum provient de la maison mère Diamond Distillers Ltd à Georgetown, qui concentre les alambics de légende des distilleries aujourd'hui fermées de la région du Demerara. Distillé sur la colonne en métal originelle de la distillerie Diamond, il a un profil qui s'approche pourtant des distillats de l'alambic Enmore, au même titre que le Diamond 2003 de Rum Swedes, mais voyez plutôt :
Sans laisser au rhum le temps de s'aérer et en passant le nez juste après l'avoir versé, un souvenir olfactif très précis et somme toute assez personnel revient : le tube de pâte à ballon, celle que l'on souffle au bout d'une sorte de bâton de sucette. C'est assez régressif et ça tient de l'anecdote mais c'est tout à fait ça !
Alors on lui laisse tout de même cinq minutes le temps de se débarrasser de ce côté solvant un peu agressif et on tombe dans un bon bain de mélasse, café, vanille qui devient plus sec avec de la noisette, de la noix et quelques fruits secs plus discrets. Ce nez que l'ont connait bien avec cette origine marche toujours aussi bien. Les fruits secs s'installent un peu plus avec de l'abricot par exemple, puis une menthe poivrée apparait et introduit de la fraicheur, avec une noix et une noisette sèches et piquantes comme une salade de roquette avec une bonne dose de balsamique.
En bouche c'est le pruneau qui se manifeste en premier, il amène une sensation de Sherry ou de Porto avec cette petite sécheresse de la noix. Le café et la mélasse reviennent pour une finale assez courte et classique.
Ce Diamond joue la gamme du Demerara sans fausses notes mais sans grande envolée non plus, c'est qu'on devient difficile avec toutes les références que l'on a déjà !
UITVLUGT 18 ans (Oct 1997 - Avr 2016) 45%
Ce rhum distillé sur les colonnes Savalle d'Uitvlugt a vieilli en partie en fût d'Armagnac, il ne s'agit pas d'un finish mais d'une véritable double maturation, voyons le résultat de l’expérience !
Au départ le nez ne fait apparaitre aucune note boisée, plutôt de la fermentation et un côté léger et floral. La poire et la prune qui arrivent ensuite sont vertes et concourent à cette impression de légèreté. Un petit "grain" épicé commence à amener de la profondeur et le bois apparait, épicé lui aussi. Celui-ci prend de la force au fur et à mesure jusqu'à trancher franchement, donnant une impression de bois neuf, jusqu'à la sciure, avec un côté poussiéreux.
En évoluant, ce nez s'équilibre grâce à l'intervention de la pâte d'amande.
Toujours léger en bouche, une touche métallique chatouille les papilles, ce fourmillement laissant place à une compotée de fruits des plus agréables, pleine et gourmande.
Le final est un peu sucré et asséchant, sur la cassonade brulée, la mélasse, et s'étend en longueur tout en gourmandise et en notes pâtissières sur un bon moment.
Je suis assez partagé sur ce rhum qui bien qu'offrant une longueur vraiment délicieuse venant rappeler un milieu de bouche compoté, me laisse quand même une impression générale de pâleur. Il est vrai que je suis amateur de rhums gourmands et chauds. Pour autant je ne suis pas contre un rhum plus léger, plus vif ou sec mais il faut que l'attaque soit vraiment saisissante et envahissante, ici cela m'a manqué.
Et nous terminerons cette jolie séance de dégustation par un bon vieux Brut de fût (embouteillé au taux d'alcool de sortie de fût, sans réduction préalable donc). Les bruts de fût ont l'avantage d'être plus concentrés en arômes car non dilués à l'eau. Leur taux élevé d'alcool permet également de mieux diffuser les saveurs en bouche, plus intensément. L'inconvénient est évidemment que l'alcool se fait souvent d'avantage présent, ce sont donc des rhums qui demandent un peu d’expérience et quelques dizaines de minutes d'aération dans le verre avant dégustation. Revenons donc à Trinidad et Tobago, chez Trinidad Distillers Limited qui est à la distillerie à l'origine des rhums Angostura, et du fameux rhum épicé Kraken.
TRINIDAD 16 ans (Fév 2000 - Avr 2016) Cask Strenght - 63%
Dans les premiers temps le nez est assez classique, on ne note pas de brûlure particulière due au fort degré. On retrouve les notes typiques du rhum que sont la mélasse, le caramel, le bois toasté, la vanille, puis un côté cire d'abeille.
Lorsque l'on agite le verre il faut alors humer avec plus de précaution car la puissance commence à se manifester, produisant des notes pétrolières, d'huile ou de graisse de moteur, non sans rappeler la célèbre distillerie de Caroni de la même île. Ce registre, quand on prend en compte un côté fruité sous-jacent, peut tout aussi bien se rapprocher de la pâte ou de la confiture de coing, curieusement proches de ces notes goudronnées.
Ensuite le boisé se pose, net et précis, puis s'ouvre sur une impression de fraicheur, de baies, de myrtilles encore perlées de rosée.
Le registre du goudron et des hydrocarbures est toujours présent au premier plan mais il est très intéressant d'aller voir comme il peut de fondre en autre chose de plus fruité et frais.
La bouche est pleine et intense comme on peut s'y attendre, mais l'alcool est bien intégré et ne prend pas le pas sur les arômes "animaux" qui arrivent en masse, beaucoup de cuir, de caoutchouc brûlé, toujours cette pâte de coing et puis du chocolat noir mêlé de piment. C'est vraiment excellent en bouche, intéressant car varié, riche mais pas écœurant. La finale est moyennement longue, sur la noisette, et des fruits exotiques persistent un bon moment.
Une fois de plus le choix du brut de fût fonctionne très bien, ce rhum évolue durant la dégustation qui mérite de s'étaler dans le temps car on ne s'ennuie pas une seconde.
Ce rhum est issu de la distillerie Epris, près de São Paulo, producteur de cachaça, de rhum mais aussi de riz fermenté en tant que matière première pour le vinaigre et le saké.
S'agit-il d'une cachaça ou d'un rhum ? Eh bien c'est à vous de voir car cela est assez compliqué au final. On m'a indiqué qu'il s'agissait bien d'une cachaça mais je me suis quand même posé des questions, non pas que je mette en doute la bonne foi de l'embouteilleur, mais parce que la définition de la cachaça est parfois un peu floue.
Je pensais que la cachaça était forcément issue d'une distillation de pur jus de canne en une seule passe en alambic, mais il existe des cachaças distillées en continu (en colonne), à partir de pur jus ou de miel de canne (pur jus réduit). On peut alors généraliser et décider que tout ce qui vient du Brésil est une cachaça. Ou alors on peut se rapporter à des données plus techniques comme le taux d'alcool en sortie de colonne qui en théorie ne doit pas dépasser les 54% pour la cachaça. Tout ce qui serait distillé au-delà de ce taux l'alcool serait alors du rhum. Un Brut de Fût de 13 ans à 47,7% est sorti chez l'embouteilleur L'Esprit il y a quelques temps. S'il a vieilli en majorité en climat continental avec une petite part des anges alors peut-être que le distillat de base ne comptait pas plus de 54% d'alcool. Alors allons pour la cachaça, surtout qu'il ne s'agit pas d'une question de valeur ou de noblesse entre les deux eaux-de-vie de canne.
Ce Brazil est très original et singulier, c'est mon préféré de la série.
Au départ son nez est assez jeune, avec un boisé plutôt vert et végétal avec des épices comme l'anis, le curry, la cardamone et la muscade. Ces épices sont vives et fraiches et sont vite rejointes par le bâton de réglisse et la menthe poivrée. Quelques notes herbacées s'en suivent et laissent place à un boisé je dirais "à la Reimonenq", sur le noyau de cerise qui tire sur l'encaustique. Ce nez est superbe, très vivant, à l'ouverture on a de l'ananas bien frais, de la canne et de l'écorce d'orange. J'ai passé un bout de temps au dessus du verre, à l'affut de tout ce que ce nez frais, riche et vif pouvait proposer, puis me suis finalement décidé à y tremper les lèvres.
L'entrée en bouche rappelle le joli boisé évoquant le noyau de cerise avec du pruneau et de la réglisse, réglisse qui finit par prendre beaucoup de place tout en restant fraiche, faisant penser au bâton que l'on machouille plutôt qu'à la sucrerie enroulée. Décidément on a du mal à se départir de cette réglisse car on pense ensuite tour à tour au zan puis à l'antésite, où se mêlent menthe et autres plantes.
Le final est moyennement long, dépouillé de toute cette réglisse, reste un goût agréable de rhum tout simplement.
Direction la Jamaïque maintenant avec le HAMPDEN 15 ans (Sep 2000 - Avr 2016) 43%
La distillerie Hampden est l'une des trois seules distilleries au monde (avec Savanna sur l'île de la Réunion et la sucrerie du Galion en Martinique) à produire du rhum "grand arôme", c'est-à-dire un rhum de mélasse fermenté spécialement et plus longtemps que les autres afin de développer une concentration extrême d'arômes. Ils sont destinés à booster le caractère des assemblages de rhums, à l'agro-alimentaire (vous voyez le goût de la glace rhum-raisin ?) et même à la parfumerie.
Ici pas de grand arôme mais un rhum tout de même généreux, sans le côté vernis que l'on retrouve dans beaucoup de Jamaïcains.
Le premier nez est plutôt léger dans le sens peu profond. Il est cependant intense avec des premières vapeurs d'alcool habillées de banane et d'ananas. Un registre plus confit entre ensuite en scène avec des fruits secs, du raisin, des fruits confits. Il offre une palette assez complète avec des notes subtiles de canne, une légère olive, un bois humide, les parfums se développent et deviennent de plus en plus gourmands, avec de la pâte d'amande. L'équilibre du registre confit et de la canne s'établit, la force alcoolique est bien réglée, pas de brûlure, c'est top !
Il évolue sur quelque chose de très sucré, bubblegum, sucre d'orge ou encore pomme d'amour et finit par s'épaissir, devenant plus tropical encore avec de la papaye très mure et un ananas flambé.
En bouche on a de l'épaisseur aussi, on pense à une eau-de-vie de prune, un mélange de fruits exotiques. Un goût de tabac s'installe sur les papilles et on sent un léger fumé, un bois bien brulé en milieu de bouche.
La finale, moyennement longue, s'étale sur les fruits à coque torréfiés, le café, toujours ce côté brulé, sucré comme une barbapapa et laisse une certaine amertume qui accroche un peu comme une petite peau de cacahuète grillée.
En résumé voila un rhum bien gourmand, sans le côté extrême souvent associé à la Jamaïque, la réduction à 43% a été très bien effectuée à mon avis, le résultat étant suffisamment complexe et plaisant.
Il existe déjà énormément d'embouteillages de rhums du Guyana mais il faut bien dire qu'on ne s'en lasse pas ! Pour notre plus grand plaisir, messieurs dames, non pas un mais deux Demerara !
Tout d'abord un DIAMOND 12 ans (Déc 2003 - Avr 2016) 45%
Ce rhum provient de la maison mère Diamond Distillers Ltd à Georgetown, qui concentre les alambics de légende des distilleries aujourd'hui fermées de la région du Demerara. Distillé sur la colonne en métal originelle de la distillerie Diamond, il a un profil qui s'approche pourtant des distillats de l'alambic Enmore, au même titre que le Diamond 2003 de Rum Swedes, mais voyez plutôt :
Sans laisser au rhum le temps de s'aérer et en passant le nez juste après l'avoir versé, un souvenir olfactif très précis et somme toute assez personnel revient : le tube de pâte à ballon, celle que l'on souffle au bout d'une sorte de bâton de sucette. C'est assez régressif et ça tient de l'anecdote mais c'est tout à fait ça !
Alors on lui laisse tout de même cinq minutes le temps de se débarrasser de ce côté solvant un peu agressif et on tombe dans un bon bain de mélasse, café, vanille qui devient plus sec avec de la noisette, de la noix et quelques fruits secs plus discrets. Ce nez que l'ont connait bien avec cette origine marche toujours aussi bien. Les fruits secs s'installent un peu plus avec de l'abricot par exemple, puis une menthe poivrée apparait et introduit de la fraicheur, avec une noix et une noisette sèches et piquantes comme une salade de roquette avec une bonne dose de balsamique.
En bouche c'est le pruneau qui se manifeste en premier, il amène une sensation de Sherry ou de Porto avec cette petite sécheresse de la noix. Le café et la mélasse reviennent pour une finale assez courte et classique.
Ce Diamond joue la gamme du Demerara sans fausses notes mais sans grande envolée non plus, c'est qu'on devient difficile avec toutes les références que l'on a déjà !
UITVLUGT 18 ans (Oct 1997 - Avr 2016) 45%
Ce rhum distillé sur les colonnes Savalle d'Uitvlugt a vieilli en partie en fût d'Armagnac, il ne s'agit pas d'un finish mais d'une véritable double maturation, voyons le résultat de l’expérience !
Au départ le nez ne fait apparaitre aucune note boisée, plutôt de la fermentation et un côté léger et floral. La poire et la prune qui arrivent ensuite sont vertes et concourent à cette impression de légèreté. Un petit "grain" épicé commence à amener de la profondeur et le bois apparait, épicé lui aussi. Celui-ci prend de la force au fur et à mesure jusqu'à trancher franchement, donnant une impression de bois neuf, jusqu'à la sciure, avec un côté poussiéreux.
En évoluant, ce nez s'équilibre grâce à l'intervention de la pâte d'amande.
Toujours léger en bouche, une touche métallique chatouille les papilles, ce fourmillement laissant place à une compotée de fruits des plus agréables, pleine et gourmande.
Le final est un peu sucré et asséchant, sur la cassonade brulée, la mélasse, et s'étend en longueur tout en gourmandise et en notes pâtissières sur un bon moment.
Je suis assez partagé sur ce rhum qui bien qu'offrant une longueur vraiment délicieuse venant rappeler un milieu de bouche compoté, me laisse quand même une impression générale de pâleur. Il est vrai que je suis amateur de rhums gourmands et chauds. Pour autant je ne suis pas contre un rhum plus léger, plus vif ou sec mais il faut que l'attaque soit vraiment saisissante et envahissante, ici cela m'a manqué.
Et nous terminerons cette jolie séance de dégustation par un bon vieux Brut de fût (embouteillé au taux d'alcool de sortie de fût, sans réduction préalable donc). Les bruts de fût ont l'avantage d'être plus concentrés en arômes car non dilués à l'eau. Leur taux élevé d'alcool permet également de mieux diffuser les saveurs en bouche, plus intensément. L'inconvénient est évidemment que l'alcool se fait souvent d'avantage présent, ce sont donc des rhums qui demandent un peu d’expérience et quelques dizaines de minutes d'aération dans le verre avant dégustation. Revenons donc à Trinidad et Tobago, chez Trinidad Distillers Limited qui est à la distillerie à l'origine des rhums Angostura, et du fameux rhum épicé Kraken.
TRINIDAD 16 ans (Fév 2000 - Avr 2016) Cask Strenght - 63%
Dans les premiers temps le nez est assez classique, on ne note pas de brûlure particulière due au fort degré. On retrouve les notes typiques du rhum que sont la mélasse, le caramel, le bois toasté, la vanille, puis un côté cire d'abeille.
Lorsque l'on agite le verre il faut alors humer avec plus de précaution car la puissance commence à se manifester, produisant des notes pétrolières, d'huile ou de graisse de moteur, non sans rappeler la célèbre distillerie de Caroni de la même île. Ce registre, quand on prend en compte un côté fruité sous-jacent, peut tout aussi bien se rapprocher de la pâte ou de la confiture de coing, curieusement proches de ces notes goudronnées.
Ensuite le boisé se pose, net et précis, puis s'ouvre sur une impression de fraicheur, de baies, de myrtilles encore perlées de rosée.
Le registre du goudron et des hydrocarbures est toujours présent au premier plan mais il est très intéressant d'aller voir comme il peut de fondre en autre chose de plus fruité et frais.
La bouche est pleine et intense comme on peut s'y attendre, mais l'alcool est bien intégré et ne prend pas le pas sur les arômes "animaux" qui arrivent en masse, beaucoup de cuir, de caoutchouc brûlé, toujours cette pâte de coing et puis du chocolat noir mêlé de piment. C'est vraiment excellent en bouche, intéressant car varié, riche mais pas écœurant. La finale est moyennement longue, sur la noisette, et des fruits exotiques persistent un bon moment.
Une fois de plus le choix du brut de fût fonctionne très bien, ce rhum évolue durant la dégustation qui mérite de s'étaler dans le temps car on ne s'ennuie pas une seconde.
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